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Archives départementales de la Côte-d'Or

Les Archives départementales seront fermées les mercredi 8, jeudi 9 et vendredi 10 mai 2024. Réouverture au public le lundi 13 mai à 8h30.

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Mars - Sept siècles d'apprentissage en Bourgogne

MOFPassés devant notaires avant la Révolution, les contrats d’apprentissage, relancés en 1851, sont désormais du ressort de la Chambre de métiers. Il est intéressant de relever et de comparer les mots définissant, depuis le XVe siècle, les obligations réciproques du maître et de son apprenti. Ces termes nous apprennent beaucoup sur les évolutions et les permanences des rapports sociaux comme de la transmission du savoir-faire.

Durée de l’apprentissage, âge des apprentis, conditions de travail et de vie, financement et mécénat, métiers éligibles, cas de dissolution du contrat, transmission familiale, secrets professionnels, politique publique et initiative privée, place de l’enseignement professionnel, savoir-faire et savoir-être, paiement (ou non) des apprentis, promotion de l’apprentissage : autant de thèmes qui parcourent les siècles, et auxquels chaque époque donne une réponse adaptée à ses besoins.

 

Contrat d’apprentissage de Laurent Ocheniot chez Jehan Charlot, tondeur de drap de Dijon (1416)

Le maître doit « bien et loyalment instruire » son apprenti, lequel devra verser 6 francs au maître en trois fois : 2 francs à Noël, 2 francs à la Pentecôte et 2 francs à la Toussaint.
Le maître devra tenir le jeune Laurent « en son hostel et compaignie », et lui fournir « vivre de bouche et chaussure de soulers ».
Tondre les draps, c’est les coucher et les rendre plus unis avec des forces, des tapis ou des couvertures.

B 11330
ADCO, B 11330*, f.56

 

« Marchef pour un apprentif mareschal » (1580)

Par-devant Pierre Bonyard, notaire à Bèze, est passé un contrat d’apprentissage entre Grégoire Chapperon que Jehan Quantin, maréchal-ferrant à Bèze, prend comme apprenti pour deux ans. Grégoire devra servir son maître pour toutes « affaires licites et honnestes ».

E 2250 E 2250

ADCO, E 2250

 

Statuts et ordonnances des apothicaires de Dijon (1614)

Ces « Ordonnances sur l’art et mestier d’appoticaire de la ville de Dijon pour estre gardées et observées par les maistres appoticaires » consistent en 26 articles, dont les 6 premiers traitent des apprentis :

1. Les 3 années d’apprentissage sont réduites à 2 pour les fils des maîtres apothicaires ;
2. Un apothicaire pourra donner la certification à son fils apprenti ;
3. Pour être admis à l’apprentissage, il faut être âgé de 15 ans et connaître le latin (langue des plantes, des animaux et, donc, des remèdes) ;
4. Sauf cas particulier (mort, traitement trop dur), l’apprenti doit rester chez le même maître ;
5. Après l’apprentissage, il faut 3 ans de service en boutique (2 pour les fils de maîtres) ;
6. Chaque maître ne peut avoir plus de deux apprentis simultanément.

1 J0 917

1 J0 917
ADCO, 1 J0 917*

 

Contrat d’apprentissage chez un tisserand de Molesme (1704)

« Un apprentif est docile ; il écoute son maître, il profite de ses leçons, et il devient maître », écrit, à la fin du XVIIe siècle, Jean de la Bruyère, dans « Les Caractères ou les Moeurs de ce siècle », XV, 2 (1688).
Edme Jobard entre en apprentissage pour deux ans chez Edme Lestrat, « tissier en toile » à Molesme. L’acte est passé par-devant un notaire de la Molesme, Étienne Jazu. Le maître s’engage à « luy apprendre à travailler du mestier de tissier en toile » ; il a l’autorisation de louer son apprenti pour les moissons.
Il s’engage à lui fournir un justaucorps en boige et en droguet.
L’apprenti devra « obéir » à son maître et le « servir ».

E 2589
ADCO, E 2589
 

 

Quittance des droits d’apprentissage versés par Jean Bastien Monin à la compagnie des marchands épiciers de Dijon (1713)

L’apprenti a versé 21 livres à la compagnie. La quittance préimprimée est signée de Bernard le Roy, premier juré de la compagnie. Sous l’Ancien Régime, l’apprentissage est organisé dans le cadre des métiers et corporations.

4 E 1/640
ADCO, 4 E 1/640

 

4 E 1/553Contrat d’apprentissage de chirurgie (1715)

L’équivalent actuel de cet apprentissage en chirurgie est le stage en service de chirurgie que font les étudiants en médecine – qui bénéficient au préalable de longues et solides enseignement de médecine, ce qui n’était pas le cas voici trois siècles. Mais, comme l’écrit en 1688 La Bruyère (« Les Caractères », XIV), « il n’est aucun métier qui n’ait son apprentissage ».
Nicolas Carré, maître chirurgien à Dijon, prend en apprentissage le fils de son défunt collègue Hector Houdaille. Pour ces deux années, Jean-Baptiste Houdaille devra verser 220 livres au maître, correspondant, entre autres, au logement et à la nourriture. Carré devra lui « apprendre l’art de la chirurgie et l’intelligence qu’il y a, sans luy en celer aucune chose » ; l’apprenti devra obéir au maître en tout ce qu’il lui commandera.
Cette discipline évoque celle qui était en usage chez les compagnons, dans la vie quotidienne communautaire, au moins jusque dans les années 1980 : exigeante, voire inflexible, elle était l’héritière des prescriptions d’Ancien Régime en matière de savoir-être.

ADCO, 4 E 1/553

 

 

4 E 1/265Contrat d’apprentissage du métier d’apothicaire et quittances (1715-1717)

Bénigne Forey entre en apprentissage pour 4 ans chez Didier Villemain, apothicaire de Dijon, en 1715. Le maître s’engage : « je luy montrerai le mieu qu’il me sera possible tout ce qui dependera de ma profession d’apoticaire sans luy en rien cacher ». En contre-partie, l’apprenti devra lui obéir en tout ce qu’il lui commandera « de licite et d’onneste, sans pouvoir quitter [sa] maison sans cause légitime ».
Deux reçus signés « Villemin » montrent que la famille Forey a bien payé au maître ce qu’elle lui devait chaque année : en tout 300 livres pendant la durée de l’apprentissage.

ADCO, 4 E 1/265

 

 

 

Peut-on être reçu maître dans une ville autre que celle où l’on a été apprenti ? (1755)

L’arrêt du Conseil du 25 mars 1755 permet aux apprentis d’être admis à la maîtrise dans une autre ville que celle où ils ont fait leur apprentissage, sauf à Paris, Lyon, Lille et Rouen – qui ont dû faire du lobbying auprès de Louis XV pour jouir de ce privilège un rien... corporatiste !
La décision royale permet de supprimer « cette exclusion contraire à la liberté du commerce (...) obstacle considérable à la communication et au progrès des arts ». Les apprentis qui voudront changer de ville devront toutefois faire « le chef-d’oeuvre prescrit par les statuts de la communauté dans laquelle ils se proposeront d’être admis ».
Cette circulation des apprentis et des savoir-faire est érigée en principe chez les compagnons.

C 26
ADCO, C 26

 

Une fondation privée permet de financer un contrat d’apprentissage à Til-Châtel (1766)

Jehan Petiot avait créé une fondation et l’avait dotée au début du XVIIe siècle, pour financer et favoriser l’apprentissage à Til-Châtel. Plus d’un siècle après, c’est Nicole Demartelet qui va en bénéficier, pour une durée d’un an. Les 36 livres sont versées à Anne Bonnissan, maîtresse couturière à Pichanges, qui va former Nicole Demartelet, par Louis Girodet, aubergiste à Til-Châtel, « receveur et administrateur des biens et revenus de la fondation » Petiot.

E DEP. 638/96 E DEP. 638/96

ADCO, E DEP. 638/96

 

Table des contrats d’apprentissage passés par-devant Jacques Lochin, notaire à Semur-en-Auxois (1779-1827)

Le notaire Jacques Lochin est particulièrement bien organisé : il tient des tables alphabétiques distinctes pour 10 sortes d’actes, dont les contrats d’apprentissage forment la 3e catégorie. Chaque entrée mentionne le nom de l’apprenti, la date de l’acte (qui permet de le retrouver parmi les minutes du notaire) et, parfois, le nom du maître.
Les actes sont peu nombreux à partir de la Révolution, car le contrat d’apprentissage n’est vraiment relancé que par la loi du 22 février 1851, qui le rend obligatoire, même s’il pouvait être aussi... oral, ce qui rendait son application aléatoire.

4 E 107/253ADCO, 4 E 107/253

4 E 107/253

 

La destinée révolutionnaire d’une fondation de 1744 pour l’apprentissage à Arnay-sur-Arroux (an III)

Le 10 janvier, la veuve Maussant avait créé, par testament, une fondation annuelle de 100 livres pour financer deux contrats d’apprentissage à Arnay-le-Duc. Ses héritiers doivent s’acquitter de cette somme. En l’an III, il s’agit de la veuve Languet, qui écrit, en tant qu’usufruitière de son défunt mari, au district d’Arnay-sur-Arroux (nom révolutionnaire d’Arnay-le-Duc) que ces fonds ont été déclarés faire partie des biens de la nation. Autrement dit la fondation et les fonds ont été nationalisés, sans qu’il ne soit plus possible de les « flécher » pour l’apprentissage. Mme Languet demande à qui elle doit verser la rente et même le capital.
L’abolition des corporations et la nationalisation des fondations, à la Révolution, a bouleversé le système ancien de l’apprentissage.

L 1204
ADCO, L 1204

 

La destinée révolutionnaire d’une fondation de 1792 pour l’apprentissage à Époisses (an IV)

Guillaume-Charles Faipoult, ministre des Finances, écrit au département de la Côte-d’or au sujet d’un legs anonyme fait le 30 août 1792 à la municipalité de Corrombles « sous la condition que cette somme seroit placée pour les intérêts en provenant être employés chaque année à faire apprendre un métier à un enfant pauvre de la commune soit garçon soit fille » d’Époisses.
Le Département avait demandé au Ministre si cet « établissement de bienfaisance » devait subsister et, si oui, comment il devait être « exécuté ». Faipoult répond que ce legs, étant « en faveur de particuliers », doit continuer d’être exécuté. Mais il préconise que la somme soit déposée dans les « caisses nationales » plutôt qu’entre les mains du maire. « Les intérêts seront payés annuellement aux officiers municipaux de la commune d’Époisses qui seront tenus de les employer à l’usage auquel ils sont destinés ».
Donc le capital est incorporé au domaine (il est converti « en une inscription sur le grand livre »), mais les intérêts en sont « fléchés » pour financer la formation d’un garçon ou d’une fille pauvre de la commune d’Époisses.

L 1210

L 1210
ADCO, L 1210​​​​​​​

 

Contestation au sujet de la non-exécution d’un contrat d’apprentissage de charpentier (1876)

François Pagand, cultivateur à Talmay, avait placé en 1874 son fils Pierre chez le charpentier Gaucher, pour qu’il y fasse deux ans d’apprentissage. Par l’article 1 du contrat, passé sous seing privé, le maître s’engageait à « lui enseigner progressivement et complètement le métier de charpentier et à lui donner tous les moyens de devenir un bon ouvrier » ; il ne devra pas travailler plus de 12 heures par jour ni la nuit...
Mais le jeune apprenti n’est pas très assidu et le maître réclame l’indemnité prévue en pareil cas par l’article 6 du contrat de 1874. Le dossier de la procédure de la justice de paix de Pontailler-sur-Saône comprend la feuille de pointage quotidien de Pierre Pagand.

U XII Mf 10 U XII Mf 10

ADCO, U XII Mf 10

 

« Comité dijonnais de patronage des apprentis des deux sexes employés dans le commerce et l’industrie » : statuts (1909)

L’avant-propos souligne que la « révolution industrielle » survenue depuis 50 ans « a amené, dans l’ensemble bien entendu, une décroissance professionnelle des ouvriers français ». Le Comité entend remédier à cette « crise » en formant des apprentis « des deux sexes ».
L’enseignement technique ne se développe qu’à partir de 1880, mais son développement est laborieux, et il faut attendre la loi de 1919 pour qu’il se mette en place systématiquement.
Les buts du comité dijonnais sont la facilitation et la stimulation de l’apprentissage ; il entend aussi veiller au bien-être moral et matériel des apprentis, organiser leur instruction professionnelle et technique. « Toutes discussions politiques ou religieuses sont formellement interdites » au sein du Comité.

10 M 15
ADCO, 10 M 15​​​​​​​​​​​​​​

 

Contrat d’apprentissage et son annexe (1931)

Louis Nicol, âgé de 16 ans, va faire 3 ans d’apprentissage chez Jean Comte, menuisier à Bierry-les-Belles-Fontaines (Yonne, mais à la frontière de la Côte-d’Or) Au bas du formulaire imprimé est collée une annexe rappelant aux entreprises qu’ils doivent laisser leurs apprentis suivre « les cours professionnels obligatoires » (en vertu de la loi Astier du 25 juillet 1919 relative à l’organisation de l’enseignement technique, industriel et commercial), qui duraient entre 4 et 8 heures par semaine.
La tentation devait être forte, pour les maîtres d’apprentissage, d’exploiter au maximum leurs apprentis (surtout si, pupilles de la nation, ils n’ont pas de famille pour défendre leurs intérêts vis-à-vis du patron) sans leur laisser le temps de suivre la formation théorique pourtant prévue dans le contrat.

E DEP. 88/19
ADCO, E DEP. 88/19​​​​​​​​​​​​​​

 

U XII Ec 3Contrat d’apprentissage chez un manchiste de La Chaume (1938)

Dans les archives de la justice de paix de Montigny-sur-Aube, on trouve ce contrat d’apprentissage, dactylographié en 1938 sur papier libre. Ernest Privé (1863-1949), 75 ans, « fabricant de manches d’outils à La Chaume », accueille en apprentissage Bertrand Robert, 14 ans (fils de Maxime Bertrand et d’Aimée Maupin, domiciliés à La Chaume).
La durée du contrat est de 5 ans, avec une période d’essai de 2 mois. Le patron doit traiter l’apprenti « en bon père de famille » et « dans la limite de ses forces ». Le père travaillant à l’usine de La Chaume, le patron ne doit ni logement ni nourriture. Il paiera l’apprenti 2 francs de l’heure.
De son côté, l’apprenti doit « fidélité, obéissance et respect ».
Ce contrat est déposé le lendemain au greffe de la justice de paix.
Le terme de « manchiste » ne figure pas dans les dictionnaires. Dans les registres matricules du recensement militaire, on trouve beaucoup d’hommes qui exercent ce métier à l’usine de La Chaume, laquelle fonctionna jusque dans les années 1950.

ADCO, U XII Ec 3

 

U XIII Hb 115Déclaration d’apprentissage artisanal de vannier (1946)

Un exemplaire du contrat d’apprentissage devait être, après son enregistrement par la Chambre de Métiers, déposé au greffe de la justice de paix si la commune n’était pas le siège d’un conseil de prud’hommes, ce qui est le cas à Genlis.
Séraphin Strack entre en apprentissage chez Antoine Strack, vannier, pour trois ans. Antoine, né le 6 mars 1899, est lui-même le fils de Joseph Strack et de Joséphine Heitzmann. Il est vannier ambulant, répertorié par ailleurs, par les services de l’État, comme « nomade ».

ADCO, U XIII Hb 115​​​​​​​

 

 

 

Un héraut des Meilleurs ouvriers de France : Alain Réhabi-Sequeira (2016)

MOF en typographie en 1965, Alain Réhabi-Sequeira (né en 1935) a rassemblé des coupures de presse de 2015-2016 sur les MOF 21. Il a aussi offert aux Archives départementales ses diverses publications, son matériel de typographe (« saint-jean », 1 J0/511), ainsi que ses mémoires (1 J0/710).

Br 2/1510
ADCO, Br 2/1510​​​​​​​

 

Ces documents ont été sélectionnés et présentés à l’occasion de l’accueil aux Archives départementales, le samedi 7 janvier 2023, de l’Assemblée générale du Groupement de la Côte-d’Or de la Société nationale des Meilleurs ouvriers de France (MOF 21), présidée par M. Bruno Saint-Yves.

MOF
Les MOF 21 en visite aux Archives départementales, le 7 janvier 2023​​​​​​​​​​​​​​

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