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Archives départementales de la Côte-d'Or

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Juillet-Août - Staline : le culte de la personnalité vu par un militant communiste de Côte-d’Or

Joseph StalineLe culte de la personnalité de Staline ne s'est pas limité à l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS), mais a irrigué au cours de la Guerre froide l'ensemble des partis communistes. Ainsi, l'image du « Petit Père des peuples » est arrivée jusqu'en Côte-d'Or. Les archives de Marcel Caignol, militant communiste, reflètent la diffusion mais aussi les limites du culte de la personnalité de Staline. Caignol a été permanent du Parti Communiste en Côte-d'Or, mais il fut écarté de son poste en 1950.

 

Joseph Staline arrive au pouvoir en URSS en 1924 après la mort de Lénine, en écartant tous les anciens bolcheviks, puis il met en place ce que l'on nomme le « stalinisme » : notion définie comme étant une idéologie, mais aussi des pratiques politiques, économiques et sociales mises en place par Staline. Romain Ducoulombier décrit le stalinisme comme une « une adaptation idéologique du léninisme au programme de transformation sociale et industrielle de l'URSS ainsi qu'à une doctrine nouvelle et autonome. ». Le culte de la personnalité de Staline est partie prenante  de la vie politique et cela dès décembre 1929 avec la célébration du 50e anniversaire de Staline en URSS. Ce culte de la personnalité s'étend ensuite à tout le monde communiste.

En France, le Parti Communiste français (PCF) reprend cette ligne politique qui trouve son apogée après 1947. Le culte de la personnalité de Staline est aussi entretenu en France, notamment pour son 70e anniversaire le 21 décembre 1949, comme l’explique l’historien Jean Vigreux : « les usages des relations internationales et de la logique bipolaire interviennent au cœur de la vie politique française et du PCF, constituant un jeu de miroirs ou d’aller-retour permanent. Pour le 70e anniversaire du “petit père des peuples” », on assiste à une mobilisation communiste à l’échelle mondiale et partout, y compris en France, on lance une immense collecte de cadeaux pour le « camarade Staline ». En effet, pour célébrer son anniversaire, les communistes français n’ont pas hésité à récolter environ 3000 cadeaux, dans un premier temps exposés à la Maison des Métallos de Paris puis envoyés à Moscou en train. Un film intitulé Staline l’homme que nous aimons le plus, est conçu, écrit et lu par le poète Paul Éluard. Les archives de Marcel Caignol illustrent aussi cet hommage pour l’anniversaire de Staline. En effet il a conservé des éditions spéciales parues dans la presse pour célébrer Staline. Ces revues sont la preuve que le culte de la personnalité de Staline s’est propagé jusqu’en province, notamment au sein de la fédération communiste de Côte-d’Or.

ADCO, 175 J 1 / 218 URSS en construction n°12, 1949.

 

Ces publications relatent la vie de Staline, sa rencontre avec Lénine et leurs actions ; elles le décrivent comme le gardien de la paix celui a qui a triomphé face aux nazis ou encore comme celui qui a industrialisé son pays.

ADCO, 175 J 1 / 218 France - URSS, n°52, décembre 1949

 

Le culte de la personnalité du « Petit Père des peuples » a été tellement intégré en France qu'il est décliné par le PCF. Maurice Thorez est surnommé « Le fils du peuple ». Cela est visible avec son anniversaire, le 28 avril 1950 quelques mois après les 70 ans de Staline : « c'est avec un parallélisme frappant que les militants se préparent à célébrer les 50 ans de leur secrétaire général, Maurice Thorez. L'Humanité entretient l’émulation en publiant la liste des dons, qui s'allonge chaque jour pour la grande fête prévue le 28 avril 1950. » (Bruno Fuligni).

ADCO 175, J 1 / 218
Tract du PCF pour une cérémonie en hommage à Staline, 1953.

Le culte de la personnalité de Staline est une nouvelle fois visible dans les archives de Marcel Caignol au moment de sa mort, le 5 mars 1953. Lors du décès de Staline en 1953, la fédération communiste de Côte-d’Or organise un hommage solennel le 15 mars à 20 h 30 dans la salle de Flore à l’hôtel de ville de Dijon. L'URSS et le monde communiste ont pris conscience que celui qu'ils admiraient tous était un homme soumis à la condition humaine. Jacques Duclos écrit : « la mort brutale vient de foudroyer le plus grand homme de ce temps. Nous avons du mal à réaliser ce qui vient de nous arriver. Une peine immense emplit nos cœurs, une peine qui est à la mesure de notre amour pour Staline. ». Ainsi la presse communiste française rend-elle hommage à Staline ; plusieurs revues et journaux ont édité des numéros spéciaux sur le sujet. Marcel Caignol en a conservé plusieurs, on peut y retrouver des biographies de Staline vantant sa vie, des articles sur ses obsèques ou encore sur sa succession.

ADCO, 175 J 1 / 218 France - URSS, n°92, avril 1953.

 

Un numéro spécial d'hommage des Lettres françaises est publié le 12 mars 1953, on peut y retrouver en une, un portrait de Staline réalisé par Picasso. Le scandale est immédiat, L'Humanité publie un communiqué du secrétariat central du PCF, qui « désapprouve catégoriquement la publication par Les Lettres françaises du portrait de Staline par le camarade Picasso ». Plusieurs militants communistes écrivent leur mécontentement : « Des militants prennent la plume, déçus de ne pas retrouver « la bonté » , « les yeux si doux, si intelligents, du camarade Staline ». Un paysan de Corrèze éclate « Monsieur Picasso, le portrait qui a la prétention de représenter le camarade Staline, je l'ai jeté au feu. Et me donneriez-vous l'original, même estimé en millions, que j'en ferais autant. » » (Bruno Fuligni). Louis Aragon, le directeur des Lettres françaises reçoit un blâme à la suite de cette affaire le 26 mars il n'a d'autre choix que de publier les avis mécontents des lecteurs. Ce qui dérange réellement le PCF dans ce portrait de Staline que Picasso ne réponde pas aux normes du courant du « réalisme socialiste ».

Portrait de Staline par Picasso Les Lettres Françaises, n°456 mars 1953 : portrait de Staline par Picasso.

 

ADCO, 175 J 1 / 219
Coupure de presse, 1956.

Marcel Caignol a conservé des documents concernant la déstalinisation et donc la fin du culte de la personnalité. « La déstalinisation est, tout à la fois, une politique, celle de la rupture avec le temps de Staline et avec le système qu’il avait développé ; elle est aussi une intuition, celle d’un homme nommé Khrouchtchev » (Hélène Carrère D'Encausse) ; en effet Khrouchtchev, lors du XXe Congrès du Parti Communiste de l'Union soviétique le 14 février 1956, a présenté un rapport secret mettant en cause Staline pour son culte de la personnalité, pour sa violence, pour ses meurtres… En France, on parle du « rapport attribué à Khrouchtchev » ; Maurice Thorez finira par déclarer que le culte de la personnalité avait conduit à de « graves atteintes à la démocratie du parti et à la légalité soviétique » ; le PCF demeura donc profondément stalinien pendant longtemps. Marcel Caignol a commencé à collecter des documents sur la fin du culte de la personnalité dès 1956.

ADCO, 175 J 1 / 219 ADCO, 175 J 1 / 219
Brochures, 1956

 

 

Bibliographie :

 

CARRÈRE D'ENCAUSSE Hélène, La Déstalinisation commence. 1956, Éditions Complexe, Paris, 1984.

DUCOULOMBIER Romain, « Le stalinisme : violence, idéologie et modernité », Après-demain, 2015/4 (N ° 36, NF).

FULIGNI Bruno, La France rouge : un siècle d'histoire dans les archives du PCF (1871-1989), Les Arènes, Paris, 2011.

MARTELLI Roger, VIGREUX Jean, WOLIKOW Serge, Le parti rouge. Une histoire du PCF 1920-2020, Armand Colin, Paris, 2020.

 

 

Andréa Hautevelle
Archiviste stagiaire aux Archives départementales de la Côte-d'Or
(Dijon)

 

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