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Archives départementales de la Côte-d'Or

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Juillet - La Haute Côte-d’Or il y a 60 ans

La politique d’aménagement du territoire dans l’arrondissement de Montbard au début des années 1960

La mise en œuvre de la politique d’aménagement du territoire dans les cantons ruraux à partir des années 1960 a préalablement nécessité de nombreuses enquêtes menées localement par les préfectures visant à l’inventaire des équipements existants et des besoins. La documentation ainsi collectée, qui brosse un tableau exhaustif des conditions de vie des populations rurales, a donné lieu en Côte-d’Or à un travail cartographique aussi spectaculaire que riche d’enseignements.

Depuis la création du Commissariat Général au Plan en 1946 à l’instigation de Jean Monnet, les gouvernements français successifs de la IVe et de la Ve République ont fait le choix d’une planification indicative et incitative dont l’objectif général est de permettre un redressement économique rapide du pays en favorisant une modernisation massive des équipements et des moyens de productions et d’échange. Dans le contexte des Trente Glorieuses naissantes, il s’agit également d’accompagner la croissance et d’en répartir au mieux les effets. Si les trois premiers plans (notamment les plans Monnet 1946-1952 et Hirsch 1954-1957) mettent surtout l’accent sur la croissance de la production intérieure et les outils du système productif, le quatrième plan (1962-1965) s’articule davantage autour de la progression des équipements collectifs et la correction des inégalités sociales et régionales1. La création de la Délégation à l’Aménagement du Territoire (DATAR) en 1963 va dans le même sens : favoriser un meilleur « partage du surplus » (Pierre Massé).

Dans le domaine de l’aménagement rural et agricole, l’année 1960 marque un véritable tournant et ouvre une nouvelle période marquée par la politique d’intégration agricole européenne - entrée en vigueur du Traité de Rome au 1er janvier 1958 - et les premières dispositions d’aménagement rural2.

Le 30 mai 1960, Pierre Sudreau, Ministre de la Construction, et Henri Rochereau, Ministre de l’Agriculture du gouvernement Debré, signent conjointement une circulaire interministérielle aux préfets3 qui peut être considérée comme l’acte de « naissance de l’aménagement rural institutionnalisé en France »4. Son objectif est clairement affirmé dès le préambule : « L’aménagement du territoire n’intéresse pas seulement le milieu urbain ; son objet doit s’étendre également à l’organisation des campagnes pour améliorer les conditions de vie des hommes et le niveau de l’économie rurale » afin d’assurer une « égalité des chances sur le plan économique, démographique, social et culturel »  afin qu’en cette période d’exode rural important, la population rurale « ne soit pas tentée d’aller grossir l’afflux de population qui menace l’équilibre des grandes cités ».  La circulaire insiste dans un premier temps sur la nécessité d’une analyse « géographique, économique et humaine » des territoires ruraux : il convient d’abandonner les découpages administratifs de référence (communes, cantons) pour proposer une organisation de l’espace en « secteurs ruraux » qui prennent en compte « l’analyse des fonctions les plus représentatives de l’activité de la population […] en vue de rechercher les centres qui exercent déjà une influence prépondérante ».  C’est une approche assez novatrice pour l’époque qui risque fort de se heurter à la réalité des jeux politiques locaux. Il s’agit de « dresser rapidement l’inventaire de leurs éléments humains et matériels et de formuler un diagnostic sur leur situation économique et sociale ». La circulaire précise que le travail des préfets doit être d’analyser les « secteurs ruraux »5 existants ou à créer, de recenser leurs possibilités économiques et ressources démographiques, les moyens de les développer et enfin de dégager les objectifs d’aménagement du territoire non bâti, les implantations d’activités non agricole et l’amélioration des équipements et de l’habitat. Les préfets ont un délai de un an pour faire parvenir aux ministères intéressés un programme schématique pour l’aménagement rural de chaque département. En application de la circulaire fut menée dans vingt départements l’expérience des Secteurs Pilotes d’Aménagement Rural (SPAR)6 - au nombre de 22 - définis comme des « des portions de l’espace rural autour d’un pôle d’animation baptisé village-centre où sont rassemblés les équipements collectifs »7.

Les documents proposés sont le résultat de cette démarche à l’échelle du département de la Côte-d’Or et plus particulièrement de l’arrondissement de Montbard. Si la date de réalisation des cartes n’est pas directement connue, on sait en revanche qu’elles ont été adressées au sous-préfet de Montbard le 28 février 1962 par les services de la Direction départementale du Ministère de la Construction, en exécution d’une décision du préfet de la Côte d’or en date du 12 février 1962. La première, réalisée à l’échelle 1/200.000 présente un « projet de secteurs ruraux avec indication des superficies et de la population ». La seconde, réalisée à l’échelle 1/100.000, présente « un inventaire départemental de l’équipement des secteurs ruraux projetés ». Très ambitieuse dans son contenu, puisqu’il s’agit de faire figurer sur le même document les limites administratives retenues, les données démographiques et l’inventaire des équipements recensés en tenant compte des travaux en cours et des projets, cette carte est le fruit d’enquêtes réalisées par les services des sous-préfectures au moyen de fiches normalisées portant sur l’activité économique (agricole, industrielle, commerciale, hôtelière – on ne dit pas encore touristique), les équipements (scolaires, hospitaliers, de communication et réseaux divers : notamment d’eau potable, d’assainissement et d’électricité) mais également des thématiques plus sociales (jeunesse, sport, logement). Les documents ainsi produits constituent une photographie du niveau d’équipement des espaces ruraux au début des années 1960 et nous renseignent indirectement sur les standards de l’époque en matière de mode de vie, de confort et de loisirs.

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Le résultat final est cartographiquement très réussi, notamment en raison d’une adaptation a posteriori de la sémiologie graphique initiale. La population par secteur était initialement représentée par un système de hachures placées dans un petit cartouche rectangulaire sous le nom des communes. Peu visible, ce choix contribuait à masquer l’information démographique, déterminante dans le cadre de la définition des « secteurs ruraux » ce qui explique l’ajout de couleurs : en repassant les limites administratives des secteurs ruraux, la lecture de la carte est beaucoup plus intuitive.

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Esthétiquement, l’effet est très intéressant. On peut regretter que le choix des couleurs, notamment pour les communes de moins de 3.000 habitants, ne soit pas complètement cohérent. La légende reprend les thématiques des fiches de synthèse. Les figurés choisis sont simples et répondent à une double logique : il s’agit soit de dessins dont le sens est transparent (une tente pour les campings, une usine schématisée pour les activités industrielles…) soit d’indication alphabétique reprenant la ou les lettres initiales (H pour hôpital, PU pour plan d’urbanisme). Chaque commune est ainsi accompagnée d’un tableau qui récapitule dans une perspective diachronique les équipements existants, les équipements en cours de réalisation et ceux à prévoir. La dimension des tableaux ainsi créés permet de visualiser rapidement les déséquilibres territoriaux en matière d’équipement. Cette grande et belle carte permet ainsi d’avoir un aperçu rapide des équilibres généraux et des situations locales particulières en matière d’équipements dans les espaces ruraux du début des années 1960 en Côte-d’Or et constitue une parfaite illustration de la politique d’aménagement des territoires ruraux menée en France à cette époque, politique dont les maîtres mots - justice sociale et économique, équité et équilibre autant que développement - ne résisteront pas à la logique de métropolisation à l’œuvre jusqu’à aujourd’hui.

1. On notera ainsi que dans le fonds de la sous-préfecture de Montbard, la mise en œuvre des quatrième et cinquième plans donne lieu à de volumineux dossiers de suivi constituant plusieurs articles, alors que les trois premiers plans n'ont laissé aucune trace aussi nette et importante.
2. Anthony SIMON, Les espaces ruraux en France, Dunod, Paris, 2018, page 74.
3. À laquelle il convient d'ajouter la loi d'orientation agricole du 5 aout 1960 dite "loi Pisani".
4. Bernard, Derruau, Dezert, Renard et Wolkowotsch, Initiation à la géographie appliquée, Masson, Paris, 1977.
5. « Par secteur rural, on entend une collectivité capable de faire vivre un centre commercial assez étoffé et justifiant l'existence d'un équipement administratif de base. La circulaire parle de secteur de 3000 à 5000 habitants » in Bernard et alii, op. cit.,
6. Paul Houée, Les politiques de développement rural, INRA-ECONOMICA, Paris, 1989.
7. Bernard et alii, op. cit.. On signalera au lecteur que le sujet intéresse que le département voisin et ami du Jura fit partie de l'expérience dont les fruits archivistiques sont actuellement versés aux Archives départementales du Jura et classés dans le fonds 258 W notamment sous les cotes 258 W 126 à 129, 131, 132, 134 et 164 à 166.

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