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Archives départementales de la Côte-d'Or

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Janvier - Oigny 1408 : drôle de trombinoscope

Dans le registre des rentes et des cens établi en 1408 par l’abbaye d’Oigny pour faire l’état de ses biens et droits féodaux, on remarque que certaines initiales sont ornées de dessins de visages humains. Ce trombinoscope montre des têtes patibulaires, effrayantes, comiques ou bizarres. C’est toute la fantaisie du Moyen Âge qui s’exprime dans ce document, monastique et féodal, où l’on ne s’attendrait pas, a priori, à trouver semblables fioritures. La figure de l’homme de la bouche duquel pousse un chêne est la plus extraordinaire, suivie de près de la femme au hennin, de l’homme mal rasé mâchonnant une fleur ou de celui qui est coiffé d’un drôle de chapeau melon.

Folio 36

En 1408, l’abbaye Notre-Dame d’Oigny établit « le papier et registre des rantez et censives » qui lui sont dus à raison de ses droits féodaux. À intervalle régulier, les seigneurs, laïques ou ecclésiastiques, mettent leur situation à plat et font établir, à nouveaux frais, pour des objectifs évidents de gestion, un terrier qui récapitule les rentes et cens à eux dus, et dont les preuves sont les chartes conservées dans leurs archives.

CART. 206Ces documents donnent au chercheur une photographie de la seigneurie, c’est-à-dire des biens et des droits ventilés par localités : Duesme, Étalante, Baigneux-les-Juifs, Quemigny-sur-Seine, Villeferrey, Venarey (-les-Laumes), Arnay-sous-Vitteaux, Marigny-le-Cahouët, Massingy-lès-Vitteaux, etc. On peut ainsi cartographier les biens de l’abbaye ou évaluer ses revenus. Mais le cartulaire donne aussi des informations sur les paroisses concernées, ses habitants et leur généalogie (lorsque l’on compare les cartulaires successifs), son habitat, ses cultures, ses moulins, les toponymes (finages, meix, vignes). Ce terrier de 1408 a reçu, jusque dans les années 1470, des commentaires marginaux et des compléments.

Ces documents sont si nombreux et si précieux aux Archives de la Côte-d’Or qu’on leur a donné une cote à part. Ainsi le terrier d’Oigny (abbaye dont les archives sont regroupées dans la sous-série 19 H, reclassée en 2017 par Léo Davy) est-il coté « Cartulaire 206 ».

Mais ce registre présente, en sus de toutes les informations ordinaires, une extraordinaire galerie de portraits, repérée par Pierre Herbelin. Le notaire auquel Guy, abbé d’Oigny, a confié la confection du cartulaire, a orné plusieurs des initiales de portraits d’hommes ou de femmes : figures patibulaires, bouches mâchonnant un brin d’herbe (comme Lucky Luke dans sa version politiquement correcte), têtes nues ou chapeautées, visages réalistes ou tordus pour s’adapter à la forme des lettres initiales.

Ce sont là jeux de plumes, tels qu’on les griffonne couramment durant une conversation téléphonique ou une réunion qui s’éternise. C’est la réalité passée au prisme de l’imaginaire et de la fantaisie. C’est le charme du Moyen Âge, qui dispose des figures licencieuses dans les marges des psautiers ou des trognes aux initiales des terriers. Qui imaginerait aujourd’hui sa feuille d’impôt (dématérialisée) décorée d’un manga dû au stylo du contrôleur fiscal ? Ou un bail rural mis en bande dessinée par le notaire ?

Folio 4 Folio 48 Folio 21
Folio 50 Folio 22 Folio 37

Les marginalia les plus étudiés sont ceux des manuscrits littéraires ou religieux : arbres à phallus, moines qui défèquent, animaux anthropomorphiques, créatures chimériques, scènes d’accouplement plus ou moins orthodoxe (au regard des normes d’alors), etc. Mais le trombinoscope du cartulaire d’Oigny montre que ces créations parfois fantasmagoriques ne sont pas absentes des actes de la pratique. Il offre une singulière galerie de 23 portraits fantastiques du début du xve siècle.

Archives départementales de la Côte-d’Or, Cartulaire 206.
Le fonds des archives de l’abbaye d’Oigny est coté en 19 H.