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Archives départementales de la Côte-d'Or

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Juillet - Cadeau offert à Robert Delavignette (1897-1976) par la société zoologique intercontinentale, fin des années 1940, 166 J 8

FRAD021_166J_008_003Le document de ce mois met à l'honneur un côte-d'orien méconnu : Robert Delavignette (1897-1976), natif de Sainte-Colombe-sur-Seine, qui a connu une carrière de grand fonctionnaire au sein de l'administration coloniale des années 1920 aux années 1960. Il s'est particulièrement distingué comme un administrateur réfléchi et engagé, reconnu pour son humanisme, comme en témoigne le cadeau que lui fait la société zoologique intercontinentale.

Les Archives départementales de la Côte-d'Or ont reçu en don à l'automne 2016 les archives privées de Robert Delavignette, retrouvées dans la maison qu'il habitait à Montbard, ville qui lui a rendu honneur en 1969 pour son jubilé en tant que Président d'honneur de la Société Française d'histoire d'outre-mer. Une allée porte également son nom à Dijon, reliée à la rue des Lentillères.

Sa longue carrière lui a permis de connaître à la fois la période d'apogée de l'empire dans l'entre-deux-guerres et sa décomposition progressive lors de la période de décolonisation d'après-guerre.

Il a en effet occupé des postes à responsabilités en tant qu'administrateur au Niger, à l'Agence économique de l'Afrique-Occidentale Française, puis comme chef de cabinet de Marius Moutet, ministre de la France d'Outre-Mer du Front populaire, directeur de l’École nationale de la France d'Outre-Mer (ENFOM) à partir de 1937, Haut-Commissaire au Cameroun, et enfin membre de la « Commission permanente de sauvegarde des droits et libertés individuelles » chargée d'enquêter sur la torture pendant la guerre d'Algérie. Il a également été un homme de lettres, à la production polygraphe, publiant des romans coloniaux, des essais politiques, des articles dans une multitude de journaux de l'entre-deux-guerres.

FRAD021_166J_008_002Ces archives ont été l'objet d'un travail de classement et d’inventaire et le fonds est désormais conservé et consultable sous la cote 166 J. Une partie iconographique a été extraite, numérisée et conservée sous la cote 43 Fi. Elles complètent les autres fonds privés concernant Robert Delavignette conservés aux Archives nationales d'Outre-Mer à Aix-en-Provence.

Au sein de ce fonds est conservé un album intitulé "L'Œuvre généreuse et humaine de la France colonisatrice". Il contient des fac-similés de documents d'archives, issus des fonds d'archives nationaux, datant de la Révolution à la Seconde Guerre mondiale, symbolisant les réalisations historiques que la France cherche, au sortir du second conflit mondial, à revaloriser. L'enjeu est de remotiver la justification de sa présence sur tous les continents et de restaurer son image à l'heure où les critiques et les contestations se développent à l'encontre de son action. Le ton des commentaires qui présentent chaque document est enthousiaste, parfois lyrique ou tragique : ce sont les grandes heures du projet universaliste que porte la France, patrie des idéaux humanistes et des droits de l'homme, et les hommes qui y ont donné leur vie, qui sont célébrés à travers des documents. La visée ne peut donc pas se présenter comme objective, mais elle rend compte des espoirs investis dans le projet par une partie des intellectuels et des scientifiques, persuadés de sa pertinence, alors qu'il semble déjà appartenir au passé.

FRAD021_166J_008_006Ses documents sont en partie des actes législatifs, célébrant surtout l'action de la Révolution et des révolutionnaires pour instaurer l'égalité des droits. On y trouve le décret de la Convention Nationale du 16 pluviôse an II abolissant l'esclavage dans toutes les colonies françaises, qui fait que « tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens français, et jouiront de tous les droits assurés par la Constitution ».

Le décret de l'Assemblée nationale du 8 mars 1790 permet, lui, aux lois de la métropole d'être accommodées aux coutumes locales des colonies afin de ne pas bouleverser les équilibres fragiles. La figure de l'abbé Grégoire est ici centrale : une lettre témoigne de son engagement constant pour la reconnaissance des droits des peuples colonisés et de l'abolition de la traite au sein de la Société des Amis des noirs.

L'album présente de nombreuses lettres témoignant de l'action d'hommes dévoués à la réussite du projet civilisateur de la colonisation.

FRAD021_166J_008_001Parmi ces hommes figurent des militaires dont les efforts de pacification des territoires sont mis en valeur pour contraster avec la brutalité de la conquête : une lettre du maréchal Thomas Bugeaud, acteur de la colonisation de l'Algérie dont il devint gouverneur général, prônant le développement économique du pays par l'agriculture ; une lettre du duc d'Aumale, fils du roi Louis-Philippe, vainqueur d'Abd-el-Kader, qui témoigne de la loyauté des troupes africaines à la France ; la devise de Francis Garnier, lieutenant de vaisseau qui explora et pacifia l'Indochine : une lettre de Joseph Galliéni, administrateur colonial et militaire, évoquant la politique généreuse que la France doit mener pour se faire respecter ; une page du carnet du général François-Henry Laperrine, ami de Charles de Foucauld, qui préféra se laisser mourir dans le désert après un crash d'avion au bout de 17 jours, pour sauver ses deux compagnons ; une lettre du général Charles Mangin qui réussit à faire intégrer les soldats sénégalais à l'armée française en étant convaincu de leur loyauté et de leur valeur ; enfin une lettre du maréchal Hubert Lyautey, connu pour sa passion de la culture islamique, son respect envers les traditions locales et son attachement au Maroc dont il fut résident général.

On trouve également des explorateurs et des missionnaires : la dernière lettre d'un missionnaire témoignant de sa foi dans le progrès humain des peuples colonisés ; une lettre de Pierre Savorgnan de Brazza, explorateur du Congo français qu'il plaça sous protectorat de la France sans utiliser les armes. Il fut naturalisé français et reçut le soutien de Jules Ferry ; une lettre évoquant la mission de Charles de Foucauld, officier explorateur et géographe devenu moine menant une vie ascétique, qui acquit la renommée grâce à son exploit d'avoir gagner la confiance et le respect des tribus de Touareg, ce qui a permis de sauvegarder la paix en Algérie pendant la Première Guerre mondiale. Il meurt assassiné en 1916 par des pillards, faisant de son innocence et de sa quête un martyr.

Se trouvent également des hommes politiques comme Jules Ferry dont le brouillon du discours à la Chambre le 28 juillet 1885, qui développe l'idéologie fondatrice de la mission civilisatrice de la France envers les populations d'outre-Mer, figure dans l'album. Des extraits de discours prononcés par les autorités françaises et locales lors de l'obtention des droits égaux par la population de Madagascar en 1938 sont retranscris.

FRAD021_166J_008_021L'album présente dans ses dernières pages des statistiques montrant la réussite des progrès de la médecine sur les maladies mortelles, telles le paludisme, le choléra, la variole, la fièvre jaune, la lèpre, le typhus, la peste. La politique d'hygiène et de salubrité est la plus louée, notamment en utilisant les exemples de sacrifice de personnels du corps médical, comme en témoigne la dernière lettre écrite à son père par Gabriel Touré, enfant de Bamako et élève de l’École de médecine indigène de Dakar, qui succomba à la peste pulmonaire après l'avoir contractée auprès d'un malade.

FRAD021_166J_008_025Ce document correspond à l'action et à la personnalité de Robert Delavignette qui s'est efforcé pendant toute sa carrière d'administrateur, sa direction à la tête de l'ENFOM, dans ses romans, essais et articles publiés, de promouvoir une politique volontariste dans le sens d'une compréhension et d'un enrichissement mutuels des sociétés européennes et africaines. En 1935 il avait publié un ouvrage intitulé Soudan-Paris-Bourgogne qui est l'exemple paradigmatique de cette liaison qu'il veut nouer entre les régions et les peuples qui composent la France métropolitaine et les régions assimilées de l'Empire, qu'il aime et respecte de la même force, et dont il a espéré qu'elles jouissent des mêmes droits, condition d'une prospérité commune. Son projet n'est resté qu'à l'état d'encre séchée sur du papier : les archives le font revivre.

Léo Davy, Élève à l'École des Chartes

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