Printemps des Poètes 2022 : l'éphémère (page 3/13)
La méprise de l'amour (XVIIIe siècle)

ADCO, 1 J0 835/2

 

Ce poème en forme de chanson (à moins que cela ne soit l’inverse !) est typique des ambiances pastorales peintes par Antoine Watteau, François Boucher ou Nicolas Lancret. On peut les juger répétitives ou mièvres. Ici le point de vue est original : Cupidon croit voir dans Lisette, une charmante bergère assoupie, sa mère Vénus. Il se repose donc sur son sein mais, s’apercevant de son agréable méprise, le dieu de l’Amour fuit Lisette : il a compris qu’il est aussi le dieu du Plaisir.

 

L’autre jour la jeune Lisette,
En menant paître son troupeau,
Vint se reposer sur l’herbette
Dans un bosquet près du hameau.

Le bruit sourd d’un ruisseau qui tombe,
La tourterelle qui gémit,
Et les plaintes de la colombe
Tout la flatte, tout l’assoupit.

On voit ses levres demi closes
Que le Zephir vient caresser,
Une abeille croit voir des roses
Et s’approche pour les sucer.


Cherchant la reine de Cythère,
L’amour s’en vint d’un air malin :
Il prend Lisette pour sa mère
Et se repose sur son sein.

« Ah ! », dit-il « quelle est ma surprise :
De Vénus j’ai cru voir les traits.
On doit pardonner ma meprise :
Lisette n’a pas moins d’attraits.

Le souffle qui sort de sa bouche
Est plus pur que l’air du matin
Et, lorsque la mienne la touche,
Un feu secret passe en mon sein.

Ah ! fuyons loin de cette belle,
Craignons un regard de ses yeux :
Je pourrois oublier près d’elle
Le rang que je tiens dans les cieux.

Je sçavois que j’etois le maitre
De pouvoir tout assujetir,
Mais Lisette m’a fait connoitre
Que j’etais le dieu du plaisir. »

 

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