Printemps des Poètes 2022 : l'éphémère (page 2/13)
« Ce qui fait une heureuse vie » (fin du XVIIe siècle)

ADCO, 32 F 1800

 

Ces dix-huit vers anonymes, copiés sur un papier qui fut longtemps plié en huit et porté dans une poche ou un portefeuille (comme en témoignent les salissures et les traces d’usure), sont une leçon de vie empreinte de modérantisme. C’est l’éloge, faite par un père pour son fils, de l’aurea mediocritas vantée par Horace dans ses Odes (Livre II, ode 2) au premier siècle avant notre ère. Cette leçon de vie, qui commence comme la règle de saint Benoît (Ausculta, o filii), est reprise à son compte, à la fin du Grand siècle, par un homme de qualité apparemment dépourvu de problèmes économiques et existentiels !
« Point de Chimène » signifie, sans doute en référence à la tragédie de Corneille (1637), point de maîtresse ou d’épouse encline aux dilemmes cornéliens…
Ce poème est conservé dans le fonds de la famille de Bouhier, provenant de l’hôtel de la rue de la Chouette. Avant de céder à la ville de Dijon le superbe hôtel que sa famille tenait des Bouhier, le comte Georges de Vogüé a déposé les archives familiales aux Archives départementales en 1958.

 

Mon fils, escoute, je te prie,
Ce qui fait une heureuse vie.
Point de chagrin, point de procès,
Un feu qui n’esteigne jamais.
Assez de bien acquis sans peine,
Un air aisé, point de Chimène,
Des amys esgaux, le corps sain,
Estre prudent sans estre fin,
Peu de devoirs, point de querelles,
Peu de viandes, mais naturelles,
Une femme de bon humeur,
Mais au fond pleine de pudeur,
Etre complaisant et facile,
Un someil pas long, mais tranquille,
Etre satisfait de son sort,
Quel qu’il soit ne s’en jamais plaindre,
Et regarder venir la mort
Sans la desirer ni la craindre.

 

Première page Page précédente Page 2 / 13 Page suivante Dernière page