OFLAG (1940-1945), des officiers en prison (page 4/9)
Fêtes l'humour, pas la guerre

 

Le sire de Vergy. Opéra-bouffe en 3 actes, 1941

Le théâtre du bloc IV à Nuremberg, reprenant le livret de de Robert de Flers et de Gaston Arman de Caillavet (1903), lui donne une musique "militaire" due aux comandants Roger et Orgebin. Sur la couverture, l'écu "à trois lévriers" (qui n'est d'ailleurs pas l'écu de Vergy) cache chastement les enlacements du sire et de la châtelaine. "Sous la douceur d'un ciel changeant, nous rev'nons tout chargé de victoires", chante la Valse, avec une joyeuse dérision.

Dimensions : 14,5 x 22
Prêt de M. Daniel Weber (Besançon)
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Tango "Quand je reviendrai", 1941

Le lieutenant de Puyfontaine crée et chante ce tango à l'Oflag XIII-A le 1er mars 1941. "Quand je reviendrai, chérie veux-tu bien, de l'exil passé, nous ne dirons rien. Je veux oublier que l'injuste sort m'avait arraché à toi que j'adore. Seuls pourront guérir nos coeurs las d'attendre des mots d'avenir, des regards très tendres. Quand je reviendrai, chérie par pitié, des jours loin de toi ne me parle pas. (...) Que nos baisers et nos caresses, dont ici tout seul je rêve sans cesse, que ma passion, et ta tendresse, chassent du présent l'amère tristesse. Je veux retrouver dans ton regard aimé, intacte la flamme du beau passé. Ce beau passé qui dans tes bras, chérie, je le sais, recommencera". Ce tango mélancolique ne chante pas seulement l'absence et l'éloignement : il annonce déjà le mutisme de la plupart des "revenants" de 1945, et proclame que la tendresse retrouvée fera recommencer le passé. Sur ce second point, la réalité n'a, hélas, pas toujours été à la hauteur de la confiance et de l'assurance du tango de 1941.

Dimensions : 17 x 25
Prêt de M. Daniel Weber (Besançon)
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Programme de la kermesse de l’Oflag X-D au profit du Secours national, 7 juin 1942


Créé en 1914, le Secours national est un organisme collecteur et distributeur des secours en temps de guerre. Quêtes, subventions, manifestations financent colis, secours, aides diverses. Les officiers captifs ne sont pas seulement bénéficiaires de la solidarité nationale ; ils peuvent envoyer une partie de leur solde en France, directement aux familles, ou bien en les faisant passer par les bénéfices d'une kermesse. La 1e de couverture montre une carte de l'Europe de l'ouest. Un point, dans le nord de l'Allemagne, désigne Fischbek, siège du X-D ; de ce point part une flèche vers un point situé au coeur de la France : toutes ces réjouissances sont conçues au profit de la France, dans un esprit d'union et d'entr'aide. La kermesse de l'Oflag X-D se déroule entre le 7 juin et le 12 juillet 1942 : musique, théâtre, sport, jeux scouts, ventes aux enchères, kermesse proprement dite avec ses baraques, loterie. Durant ce mois festif, les allées du camp reçoivent des noms familiers : place du Tertre, Grands boulevards, place de l'Opéra, cabaret François Villon et... Révolution nationale. Car ces festivités sont placées sous l'égide de l'État français, comme l'attestent les deux francisques dont est décoré le programme.

Dimensions : 10 x 14 fermé
Prêt de M. Olivier Blazy (Paris)
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Programmes de théâtre, 1941

L’Oflag II-D met en scène des pièces de théâtre : "Azaïs" (de Berr et Verneuil), "Dulcinée" (de Baty). Ces programmes se trouvent dans le fonds donné aux Archives départementales par Henri Laibe (1925-2015), ancien bâtonnier de DIjon ; ils proviennent de son frère Paul, qui fut détenu à l'Oflag II-D (Grossborn).

Dimensions : 15 x 21 fermé
ADCO
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"Le Canard en… KG", bulletin du XVII-A, 1941

Prisonnier de guerre, en allemand, se dit Kriegsgefangener, et s'abrège en KG, abréviation qui se prononce "cagé" en français. Il n'en fallait pas davantage pour que l'Oflag XVII-A baptise son "canard", le "Canard en... KG", sur le modèle du "Canard enchaîné", journal satirique fondé en 1915. Le n° 15, paru dans la première quinzaine de juin 1941, fait sa une sur un match de boxe ; mais, dans les pages suivantes du bimensuel, on entre dans le "dur", idéologiquement. Les articles maréchalistes alternent habilement avec des papiers ou dessins de divertissement ou de sciences dures. Jean-Marie Dunoyer (1907-2000), futur chroniqueur au journal "Le Monde", y commence un article intitulé "Mystique et politique" par une citation du maréchal Pétain. Louis Girard (1911-2003), futur professeur d'histoire contemporaine à la Sorbonne et spécialiste de l'histoire du XIXe siècle, y donne un papier intitulé "Propos sur l'histoire" : "Tout le monde apprend avec ensemble : 'Nos ancêtres les Gaulois'. Dans une certaine mesure, cela se justifie. Lorsque la notion d'Empire s'imposera à la vie quotidienne du Français, un changement d'optique s'imposera". Jean Tomasi commence lui aussi son article "Demain la jeunesse" par une citation du Maréchal. Avant la guerre, il a été reporter au "Petit Journal". Il s'évade et rejoint les résistants slovaques, et il est tué en Slovaquie le 2 septembre 1944. Il peut être cruel de juger un intellectuel sur ce qu'il a écrit durant sa captivité, et de confronter ses conceptions maréchalistes d'alors avec ses convictions passées ou futures. Il semble plus intéressant d'attirer l'attention des chercheurs sur ces articles parus dans les journaux d'Oflag et de Stalag, pour comprendre mieux les parcours professionnels et les trajectoires idéologiques. Ces publications sont en effet des sources de l'histoire de l'après-guerre et des Trente glorieuses.

Dimensions : 23 x 30
Prêt de M. Olivier Blazy (Paris)
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« Mais où sont les dames d’antan ? », juillet 1941

Ce poème est paru dans "Écrit sur le sable, revue illustrée bimensuelle de l’Oflag II-D", en juillet 1941. La ballade est un genre littéraire médiéval, rené au XIXe siècle et popularisé au XXe siècle par la musique populaire. La "Ballade du prisonnier" évoque la "Ballade des Dames du temps jadis", poème écrit par François Villon vers 1460 (mis en musique par Brassens en 1953), avec son énigmatique et mélancolique refrain "Mais où sont les neiges d'antan ?". L'auteur, qui signe "Flip", évoque la fuite du temps et les "dames d'antan" au sens premier du mot "antan" : "ante annum", c'est-à-dire l'année d'avant, l'été 1940, celui de la capture. Le poème est structuré comme une ballade médiévale : trois onzains d'octosyllabes, suivis par un envoi composé de cinq octosyllabes. Deux illustrations de J.-R. Carme : le prisonnier agenouillé, soufflant sur le feu où cuit une gamelle et au-dessus duquel sèchent chausettes et autres sous-vêtements ; le buste alangui d'un femme allongée nue. Le thème est celui de l'absence de tout commerce féminin et de la frustration sexuelle. ""Nous faisons oeuvre ménagère dans nos isbas de sapins blancs"", en échangeant "mille sornettes". Mais "jours et nuits de toutes semaines leurs images donnent assaut : il n'est remède à cette peine, comment rompre l'ardent faisceau ?". "Admirer nos jeunes éphèbes" et leurs "équivoques silhouettes" (peut-être l'auteur évoque-t-il ici les hommes habillés en femmes des cabarets, des pièces de théâtre ou des danses du camp ?) n'est que "miroir aux alouettes" ; allusions transparente au désir homosexuel. Le printemps revient, "il nous faudrait poitrine chère", mais c'est un "rêve exorbitant" ; il ne reste que la ressource de "libeller en cachette les billets doux des amourettes". "Prince, louange vous soit faite / de nous donner courir les champs, / riches d'espoir, libres, chantants / devant qu'il neige sur nos têtes. / Mais où sont les neiges d'antan ?".

Dimensions : 21 x 29,7
ADCO
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La canne de Vénus

Nous sommes en 1940, à Bar-le-Duc ; Hardy représente le captif rigolard se taillant une canne au sommet de laquelle apparaît, sous son couteau, une femme nue. Il a sur le dos un escargot, signe qu'il n'est pas très mobile, adossé au poteau du fil barbelé. Les choses sérieuses commenceront dès qu'il aura quitté le Frontstalag, mais, déjà, le dessinateur Hardy le montre songeant à la femme.

Dimensions : 10 x 15
Prêt de M. Daniel Weber (Besançon)
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"Au Cabaret du Coq en tôle", saison 1940-1941

Le Block III de l'Oflag XIII-A monte un cabaret dès le début de 1941. Les plumes rouges du "coq en tôle" évoquent naturellement celles des danseuses du Moulin rouge. Le programme donne le détail des représentations. Les chansons, légères, grivoises ou scatologiques, sont illustrées du portrait caricaturé des officiers. "Il existe un bon petit coin où l'on chasse le cafard la tristesse, vous y r'trouverez tous vos copains car tous les soirs chacun s'y presse. Ah oui v'nez donc c'qu'on est bien, v'nez y donc vous verrez comme c'est drôle, en écoutant de gais refrains au cabaret, au cabaret (sic) du Coq en tôle." Et puis il y a les habituelles plaisanteries sur le sens français de certains mots allemands, comme dans la chanson "Bitte, Bitte, S.V.P" : "D'puis qu'on fait de l'allemand, on répète bien souvent un p'tit mot très simplet qui veut dire s'il vous plaît. Braves gens : attention, car à la Libération, vous créerez d'l'émotion, même sans mauvaise intention".

Dimensions : 15,5 x 22,5
Prêt de M. Olivier Blazy (Paris)
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Fête des provinces à l’Oflag IV, 20 septembre 1942

On ne sait si beaucoup des officiers captifs étaient adeptes de transvestisme. Ceux qui ne l'étaient pas durent faire contre mauvaise fortune bon cœur : pour les danses folkloriques bourguignonnes, basques ou du Massif central, il faut autant de femmes que d'hommes. La qualité des costumes "folkloriques" réalisés montre un savoir-faire consommé, et suppose un approvisionnement substantiel en tissus de toutes sortes. Les "provinces" chères à Vichy ne sont pas seulement présentes par leurs costumes, mais aussi par les armoiries figurant sur les bannières. C'est en 1943 que Robert Louis, artiste héraldiste français, commence la série des timbres portant les armoiries des "provinces françaises" (à la suite de J. Piel, qui avait commencé une série héraldique des villes de France en 1942). L'Empire n'est pas oublié, avec des costumes marocains et tunisiens. Les visages de ces hommes déguisés et grimés en femmes évoquent irrésistiblement ceux que prend successivement Fernard Raynaud, bien après, en 1966, dans son fameux sketche de la bougie.

Dimensions : 10,5 x 7
Prêt de M. Olivier Blazy (Paris)
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« La page à Totor » et « Celle que j'aime » : entre burlesque et sensuel à l’Oflag II-D, 1941

Les illustrations humoristiques oscillent souvent entre deux tendances : la (grosse) rigolade entre camarades et la tristesse de la frustration sexuelle que ne viennent pas rythmer les permissions du soldat en temps de guerre ou de paix, ni les bonnes fortunes des prisonniers du Stalag, lesquels purent adoucir, sur leurs lieux de travail hors des camps, certaines souffrances de la séparation. Cette alternance fait penser à la scène finale des "Sentiers de la gloire", de Stanley Kubrick (1957 ; la scène se passe durant la Première guerre mondiale), où le chant d'une artiste, sur la scène du théâtre aux armées, excite d'abord la concupiscence la plus grivoise, puis la tristesse la plus poignante.

Dimensions : 20 x 30
ADCO
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Lexique de confiné, été 1941

Définitions, parues dans "Écrit sur le sable, revue illustrée bimensuelle de l’Oflag II D", à l'été 1941. On pourrait dire que l'humour au camp est toujours voilé de tristesse ; peut-être serait-il plus exact que l'humour tente de sublimer l'ennui, le cafard, le sentiment d'impuissance et d'inutilité, l'absence des êtres aimés, la déploration du temps perdu et gâché. L'humour est une manière de rester debout, de prendre de la hauteur, de la distance, du recul.

Dimensions : 20 x 30
ADCO
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Jeu de l’oie « Un tour du camp »

Il s'agit de l'objet le plus extraordinaire de l'exposition. Cette pièce unique, conçue et réalisée au camp par "BJ", montre les étapes par lesquelles passent les détenus : étapes chronologiques, de l'entrée à la libération ; étapes psychologiques, alternant espoir et découragement. On arrive par la case Croix gammée, puis se déroulent : Fiches, Empreintes digitales, Photo, Plaques d'identité, Jardin, Piqûre, Épouillage. Commence alors la vie quotidienne : Rutabaga, Appel, Communiqué, Doyen du camp (avec les cinq galons pleins, de colonel), Ordonnances, Solde, Bobard, Bains de soleil, Piston, Expoflag (figurant la palette d'un peintre), Biscuits Pétain, Alerte, Bombardement, Odeurs (illustrées par un brodequins apparemment parfumés), Ronflement. Les camarades de barque ont des pions (prisonniers à la pilosité et aux accoutrements parfois pittoresques) dont les couleurs du pied sont identiques. Le premier de chaque équipe dépassant la case Doyen du camp devient "Barackenführer", et il obtient des privilèges dans le jeu. Les libérations se font par baraque (sauf cas d'évasion ou de rapatriement). Les instructions de jeu sont pleines d'un humour un peu cynique. Si l'on tombe sur le Mirador : "Reculer à la Kommandantur". Le Réfectoire conduit au plus proche Abort (toilettes). Si "besetzt" (occupé), aller à l'Infirmerie. Si l'on arrive sur Évasion, il faut tirer une seconde fois : si l'on fait un as, on s'évade, sinon on va en Prison pour deux tours d'arrêt. Le Piston mène au Rapatriement ; mais celui qui, étant venu au Rapatriement par Piston, ne tire pas un as le confirmant va à la Kommandantur, et le dossier est à refaire entièrement. Le Cafard mène à l'espoir. Si, après Rapatriement, on ne tire pas un as, il faut aller à l'infirmerie pour se remettre de cette désillusion. Les dernières cases sentent bon la France : Espoir (98), Rapatriement (99) et enfin Libération (100).

Prêt de M. Olivier Blazy (Paris)
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Turfistes sans chevaux, 1942

Ce journal de turf ("La veine et l'écho des courses réunis"), publié le 28 juin 1942, repose entièrement sur l'imagination débordante de ses concepteurs. Pas le moindre cheval en chair et en os, évidemment, à l'Oflag XVII-A. Les courses de chevaux se déroulaient sur des sortes de jeux de l’oie, avec des pions fabriqués ad hoc. Les prix portent des noms éloquents : "Maréchal Lyautey", "Maréchal Pétain" (un steeple-chase) et "Amiral Darlan". L'hippodrome, appelé "La Petite France", circule de baraque en baraque. Ce journal humoristique, qui a toutes les apparences d'un journal de turf, a pour objet de "mettre en honneur le sport hippique au sein des barbelés".

Dimensions : 60 x 45
Prêt de M. Olivier Blazy (Paris)
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« La captivité à travers les âges », été 1941

« La captivité à travers les âges. Fresque historique et consolante de Patt », est présentée à travers quatre dessins humoristiques parus dans "Écrit sur le sable, revue illustrée bimensuelle de l’Oflag II D", à l'été 1941. ils présentent la captivité sous les pharaons, sous César, durant les Croisades.

Dimensions : 20 x 30
ADCO
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Un grand évadé : le lieutenant Géraud de Bonnafos, août 1942

Géraud de Bonnafos (1917-1998), saint-cyrien cantalien (mais bourguignon par sa mère, Marie Carrelet de Loisy), arrive à l'Oflag III-C de Lübben en 1941. Il fait plusieurs tentatives d'évasion, mais il est repris et mis au cachot où il contracte une pleurésie. Libéré pour raisons sanitaires en 1942 (car les Allemands ne voulaient pas s'embarrasser de malades graves dans les Oflag), il se repose dans un sanatorium (en Haute-Savoie, zone d'occupation italienne), où il prononce une conférence, le 21 août 1942, sur les méthodes d'évasion. Le texte de cette conférence serait demeuré inédit si certains de ses petits-enfants ne l'avaient pas publié, en 2014, sous le titre "Comment fausser compagnie à ses geôliers allemands. Manuel d'évasion". Plein de verve, il truffe sa conférence d'anecdotes truculentes ; l'affiche le montre plein de malice. Géraud de Bonnafos fut conseiller municipal de Calvinet (Cantal) de 1953 à 1959, puis maire, de 1959 à 1995.

Dimensions : 29,7 x 42 :affiche
11 x 18 : livre
Prêt de M. Olivier Blazy (Paris)
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La cuisine électrique, ou le supplice de Tantale, 1940

Le lieutenant P. Sicard n'a manifestement rien perdu de sa verve commerciale. Il résume dans un livret promotionnel la causerie qu'il a faite sur « la cuisine électrique » à l'Oflag VI-A. Devant ses camarades, chichement nourris par la triste soupe du camp, probablement mis à la torture par l'évocation des possibilités gastronomiques de la cuisine à l'électricité, il décrit avec force détails les avantages du courant sur le gaz ou le feu : rentable, propre, modulable, extensible. Puis il vante l'excellence du gril électrique. Et de terminer sur les succès commerciaux de la cuisine électrique, depuis 1932, dans le sud-ouest de la France. "Nous émettrons le voeu d'y aller le plus tôt possible y faire rôtir la bécasse après avoir dégusté la poule au pot que le bon roi Henry souhaitait hebdomadaire et que moi je vous préconise cuite à l'électricité".

Dimensions : 14 x 22
Prêt de M. Olivier Blazy (Paris)
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Les menus du lieutenant Schelcher

À l'Oflag VIII-F de Wahlstatt, malgré les appellations flatteuses de certains plats, on sent la pénurie : "un peu de tarte, quelques raisins, du vrai café". Les invités sont indiqués, parfois ils signent le menu en l'agrémentant  d'une phrase indiquant leur état d'esprit : "Une place pour chaque chose, chaque chose à sa place" (lieutenant Perret) ; "Nous avons prouvé que le libéral et le 'dirigé' peuvent faire popote ensemble" (lieutenant Barbat) ; "Non seulement vous êtes ma concubine, mais encore ma distinguée cuisinière" (lieutenant de Torquat). Les repas de Noël, du Jour de l'An et de Pâques sont les grands classiques, mais des "gueuletons" s'improvisent, probablement au gré de l'arrivage des colis. Il y a des circonstances liées à la vie militaire, tel ce dîner offert au capitaine Giraud à l'occasion de sa promotion dans l'ordre de la Légion d'honneur le 25 janvier 1942, ou le "dîner" de la cavalerie, un 26 avril, trois jours après la Saint-Georges (représenté en tête du menu). Certains menus sont dessinés voire peints ou, de façon plus originale, agrémentés de collages : des pois de senteurs cueillis à la fenêtre de la barque, ou la bague du havane Henry Clay fumé après le café du 4 novembre 1942. Le dernier menu est celui du 1er janvier 1945. Il est vraisemblable que les premiers mois de 1945 furent moins "festifs" : le Reich sombrait, les alliés avançaient, le ravitaillement fut de plus en plus chiche.

Prêt de M. Olivier Blazy (Paris)
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Du barbelé dans le houx, Noël 1940

Sur le menu de Noël 1940 à l'Oflag XIII-A à Nuremberg, le barbelé s'enroule à la tige du houx (comme s'il n'avait pas assez de piquants) et sert de partition à l'année "1940". Le menu amélioré tranche heureusement sur l'ordinaire plutôt chiche des camps, mais il ressemble plutôt à un déjeuner dominical d'avant-guerre : saucisson, poulet rôti à la landaise, légumes à la mode du camp (bouillis ?), foie truffé, ananas, nougat, dattes, cake. Le tout arrosé de "café à la française" et de "vins du Rhin", comme pour illustrer l'ambiguïté du camp, enclave française et captive au sein du grand Reich conquérant, qui avait fait de Nuremberg sa capitale idéologique.

Dimensions : 13,5 x 20,5
Prêt de M. Pierre Guillaume Demetz (Dijon)
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Le VIII-F en 25 dessins à la ligne claire, après 1942

En juillet 1942, le VIII-F fut transféré de Wahlstatt à Mährisch-Trübau. C'est ce dernier site que décrivent les 25 cartes illustrées à la ligne claire. Les couleurs pastels des vues donnent une idée moins sombre que bien d'autres représentations des camps. Et, mises à part quelques scènes caractéristiques (l'appel, la désinctisation, la sortie, le déménagement), l'ambiance générale est moins celle d'un camp de prisonniers que d'un camp militaire sans les armes. Les barbelés n'apparaissent qu'à la dernière carte ; encore ressemblent-ils en fait plutôt à un grillage. Décoratives et pittoresques, ces cartes donnent une vision presque idéalisée de la détention.

Dimensions : 24 x 32
Prêt de M. Olivier Blazy (Paris)
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