Pionnier de la Résistance. Le réseau Grenier-Godard (1940-1942) (page 3/6)
Prier, souffrir, se taire

 

 

 

Les arrestations de René Grenier-Godard et Blanche
Grenier-Godard en juillet 1942 et leur détention en France
Le dernier passage de René
Le dernier passage de prisonniers de guerre encadrés par René Grenier-
Godard a lieu le 21 juillet 1942 à Navilly. Venant de Mont-lès-Seurre, il est
arrêté au petit matin avec son « convoi » qui se compose de plusieurs prisonniers
évadés et de deux agents secrets belges, par une patrouille allemande.
On peut identifi er, parmi les hommes de ce convoi candidats au passage
clandestin de la ligne de démarcation, au moins un soldat français évadé, Auguste
Desvarènes. Coureur cycliste semi-professionnel, il a fait son service militaire dans
le 510e Régiment de chars de combat de Nancy.
Desvarènes est fait prisonnier dans la région de Saint-Quentin en mai 1940 ; il
est transféré au Stalag VII-B en Bavière. Évadé une première fois le 6 avril 1941, il est
repris au bout de quatre jours. Il récidive le 15 mai 1942, mais est arrêté par les douaniers
allemands à Amanvillers près de Metz. Détenu à Forbach, il s’évade à nouveau
et rejoint Dijon. Il se met au service de Blanche et assure des passages avec René. Le
jour de leur arrestation, ils avaient déjà passé un groupe de cinq hommes du convoi et
s’apprêtaient à passer un groupe de quatre.
La descente 43, rue Saumaise
Le 25 juillet, 6 hommes, commandés par Ludwig Kraemer, investissent l’appartement
des Grenier-Godard rue Saumaise. Kraemer est originaire de Neustadt dans le
Palatinat. Ancien combattant de la Grande Guerre, il s’engage dans la Kripo (police
criminelle) de Karlsruhe en 1921. Il adhère au NSDAP (Parti nazi) en 1937 et est
mobilisé en 1939 à la Feldpolizei de Fribourg. À partir de 1940, il rejoint les rangs
de la Geheime Feldpolizei de la 7e armée. Il est l’adjoint d’Hermann Herold et
a le titre de FeldpolizeiKommissar. Le bureau de Kraemer est situé 10 boulevard
Carnot, soit à 300 mètres du logement des Grenier-Godard. Depuis
quelques semaines, il a été transféré, ainsi que tous les groupes de GFP,
à la SIPO-SD. Celle-ci est désormais le fer de lance de la répression.
Herold est nommé Kommandeur der SIPO-SD (KDS) à Poitiers et a
quitté la région. La SIPO-SD de Dijon est dirigée par Willy Hulf.
Son adjoint est Gustav Meier. Elle est divisée en 7 sections.
Kraemer est le chef de la Section IV, « chargée au sens le
plus large, de la recherche et de la répression des activités
antiallemandes ». Ses hommes et lui pratiquent les
Verschärte Vernehmung (interrogatoires renforcés
- sinistre euphémisme).

Les arrestations de René Grenier-Godard et Blanche Grenier-Godard en juillet 1942 et leur détention en France

Le dernier passage de René

Le dernier passage de prisonniers de guerre encadrés par René Grenier-Godard a lieu le 21 juillet 1942 à Navilly. Venant de Mont-lès-Seurre, il estarrêté au petit matin avec son « convoi » qui se compose de plusieurs prisonniersévadés et de deux agents secrets belges, par une patrouille allemande.On peut identifi er, parmi les hommes de ce convoi candidats au passageclandestin de la ligne de démarcation, au moins un soldat français évadé, AugusteDesvarènes. Coureur cycliste semi-professionnel, il a fait son service militaire dansle 510e Régiment de chars de combat de Nancy. Desvarènes est fait prisonnier dans la région de Saint-Quentin en mai 1940 ; ilest transféré au Stalag VII-B en Bavière. Évadé une première fois le 6 avril 1941, il estrepris au bout de quatre jours. Il récidive le 15 mai 1942, mais est arrêté par les douaniers allemands à Amanvillers près de Metz. Détenu à Forbach, il s’évade à nouveau et rejoint Dijon. Il se met au service de Blanche et assure des passages avec René. Le jour de leur arrestation, ils avaient déjà passé un groupe de cinq hommes du convoi ets’apprêtaient à passer un groupe de quatre.


La descente 43, rue Saumaise

Le 25 juillet, 6 hommes, commandés par Ludwig Kraemer, investissent l’appartementdes Grenier-Godard rue Saumaise. Kraemer est originaire de Neustadt dans le Palatinat. Ancien combattant de la Grande Guerre, il s’engage dans la Kripo (policecriminelle) de Karlsruhe en 1921. Il adhère au NSDAP (Parti nazi) en 1937 et estmobilisé en 1939 à la Feldpolizei de Fribourg. À partir de 1940, il rejoint les rangsde la Geheime Feldpolizei de la 7e armée. Il est l’adjoint d’Hermann Herold eta le titre de Feldpolizei Kommissar. Le bureau de Kraemer est situé 10 boulevardCarnot, soit à 300 mètres du logement des Grenier-Godard. Depuisquelques semaines, il a été transféré, ainsi que tous les groupes de GFP,à la SIPO-SD. Celle-ci est désormais le fer de lance de la répression.Herold est nommé Kommandeur der SIPO-SD (KDS) à Poitiers et aquitté la région. La SIPO-SD de Dijon est dirigée par Willy Hulf.Son adjoint est Gustav Meier. Elle est divisée en 7 sections. Kraemer est le chef de la Section IV, « chargée au sens leplus large, de la recherche et de la répression des activités antiallemandes ». Ses hommes et lui pratiquent les Verschärte Vernehmung (interrogatoires renforcés- sinistre euphémisme).

Blanche, Alphonse et René subissent de nombreux interrogatoires dans les locaux de la SIPO-SD, rue Docteur Chaussier. Blanche Grenier-Godard fait état de 11 séances au cours desquelles elle est battue et menacée. Alphonse, malgré sa qualité de grand mutilé de guerre, est torturé. L’extrait de la citation avec attribution de la croix de guerre avec palme qui lui est décernée en 1949 rend compte de cette brutalité : « Frappé à coups de barre de fer ; plusieurs côtes brisées ; toutes les dents écrasées ou arrachées ». René subit aussi plusieurs interrogatoires et des confrontations sont organisées. Aucun membre de la famille ne parle.

 

Les prisons à Dijon et Paris

Lorsqu’ils ne sont pas interrogés, ils sont détenus dans la partie de la prison de Dijon réquisitionnée par les Allemands qui constitue un quartier autonome. Une trentaine de soldats montent la garde jour et nuit. La nuit, des sentinelles sont postées à l’extérieur dans les jardins aux abords de la prison. Dans les archives familiales, il existe deux courriers originaux, écrits l’un par René et l’autre par Blanche, respectivement le 23 et le 30 août 1942. Ils sont adressés à Jean et à son père qui a été libéré au bout d’un mois, son épouse et son fils ayant réussi à le disculper complètement en arguant de ses infirmités. Le 3 septembre 1942, après 5 semaines de détention à Dijon, Blanche et René sont transférés à la prison de la Santé à Paris. Ils sont ensuite détenus à la prison de Fresnes à partir du 5 octobre 1942. Le jeudi 4 mars 1943, le train Paris-Berlin quitte la gare de l’Est avec à son bord, dans des wagons de voyageurs aménagés en wagons cellulaires, des hommes et des femmes déportés en Allemagne. Dans le groupe, il y a des jeunes et des personnes plus âgées, certaines ayant plus de 60 ans. René a pu alors retrouver sa mère et a minima échanger avec elle par le regard. Dix femmes « NN » partent en effet ce même jour de Paris. Parmi celles-ci, on relève, avec Blanche Grenier-Godard, deux autres membres de son réseau : Raymonde Pierru et Marie Barré.

 

 

Pont de Navilly, Le Bien Public (1945)

ADCO, 6 J 351

 

 


 

 

Photographie de Ludwig Kraemer (1945)

ADCO, W 21052

 

 


 

 

Courrier de Blanche Grenier-Godard écrit à la prison de Dijon (août 1942)

ADCO, 6 J 351

 

 

 


 

 

Courrier de René Grenier-Godard écrit à la prison de Dijon (août 1942)

ADCO, 6 J 351

 

 

 


 

 

Souvenirs de réclusion de Blanche à Fresnes (1945)

ADCO, 6 J 351

 

 


 

 

Les graffiti de la rue d'Auxonne, Jacques Foucart (1946)

ADCO, Br 1/2442

 

 


 

 

Photographies de cellules de la maison d'arrêt de Dijon

ADCO, 5 NUM

 

 


 

 

Enveloppe d'un courrier écrit par un détenu du quartier allemand de la prison de Dijon

ADCO, 6 J 351

 

 


 

 

Camps et prisons en Allemagne

 

À l’arrivée à Trèves, Blanche et René sont alors séparés. Ils ne se reverront qu’un an plus tard lors du jugement à Breslau. Les hommes sont pris en charge par des gendarmes allemands et dirigés vers la prison de la ville pour quelques heures seulement. Ils sont ensuite transférés dans un autre train pour le village de Reinsfeld, dernière étape avant la marche forcée vers le camp spécial d’Hinzert. Après avoir connu le monde carcéral français depuis le 21 juillet 1942, René entre alors dans le monde concentrationnaire allemand, lieu de terreur et d’arbitraire. René quitte cet enfer le 7 juillet 1943 pour la prison de Wittlich. Achevée en 1912, Wittlich est la première prison pour mineurs érigée en Allemagne. Blanche Grenier-Godard reste détenue à Trèves une semaine, puis est transférée à la prison d’Aix-la-Chapelle. Le transfert pour la prison de Flussbach a lieu probablement en juillet 1943. C’est un petit camp placé en pleine campagne, rattaché administrativement à Wittlich, distant de 9 kilomètres. Ensuite, elle est transférée à la prison de Lauban près de Breslau au début de l’automne. Blanche est transférée à Breslau pour être jugée avec René par le Sondergericht. L’audience des Grenier-Godard a lieu le 3 avril 1944. Blanche Grenier-Godard est condamnée à mort et René à trois ans de détention « pour aide aux prisonniers de guerre évadés ». Le 17 juillet 1944, René quitte la prison de Breslau à destination de Schweidnitz. Construite en 1882, Schweidnitz est une prison d’application de peine pour les « NN » condamnés à Breslau. Les conditions de détention sont déplorables : promiscuité, maladies non soignées dont la tuberculose, punaises de lit, nourriture insuffisante. Blanche est transférée à Jauer, petite ville de Basse-Silésie, située à 60 kilomètres au Sud-Ouest de Breslau et à moins de 10 kilomètres de Gross-Rosen. La prison est une FrauenZuchthaus (prison de travaux forcés pour femmes) installée dans un ancien château. René a quitté Schweidnitz début janvier 1945 pour le camp de concentration de Gross-Rosen. En février, il est transféré dans un wagon à charbon découvert à Dora-Mittelbau, puis en mars il est envoyé à la Boelcke-Kaserne. Les SS décident de transférer dans ce camp satellite de Mittelbau les prisonniers en phase terminale qui ne pouvaient plus travailler. Il y meurt autour du 2 avril, à 19 ans et 9 mois. Blanche est évacuée avec ses compagnes de la forteresse le 28 janvier. Leur périple dure presqu’un mois. Elles entrent dans leur dernière prison, Aichach (Bavière), le 22 février 1945. Jane Darbois a rédigé un poème « Visions d’horreur » qui décrit les conditions inhumaines de cette évacuation. Aichach est libéré le 26 avril par la 101e division aéroportée de l’armée américaine.


 

Poème de Jane Darbois, annoté de la main de Blanche (1945)

ADCO, 6 J 351

 

 


 

 

Carte d'identification de René à Dora-Mittelbau (1945)

Archives Arolsen

 

 


 

Fiche d'écrou à la prison de Wittlich de René Grenier-Godard (juillet 1943)

© Service historique de la Défense, Caen,
AC 21 P 458546

 

 


 

 

 Une expérience de l’esclavage, André Chauvenet (1946)

Dimitri Vouzelle

 

 


 

Fiche individuelle de condamnée à mort de Blanche (avril 1944)

Fonds la Martinière 353 044

 

 


 

 

Manuel du soldat chrétien pour prisonniers et prisonnières français (1940)

Archives privées Patricia Darcis

 

 


 

Prison de Wittlich (années 1940)

 André Chauvenet (1946)

 

 


 

Prison d'Hinzert (1942)

© Gedenkstätte SS-Sonderlager/KZ Hinzert

 

 


 

 

Chapelet de Blanche Grenier-Godard de Jauer (1944)

ADCO, 6 J 351

 

 


 

 

Brassard de Blanche Grenier-Godard à Jauer et Aichach (1944)

ADCO, 6 J 3510

 

 


 

 

Mouchoir brodé avec le plan de la cellule (années 1940)

Archives privées Patricia Darcis

 

 


 

 

Les survivants et les morts du Kommando de la Boelcke-Kaserne gisent dans l'un des garages de blindés

Archives nationales, Washington, 208-AA-I30H-37
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