Les abbayes de Côte-d’Or. Piété et pouvoir (page 2/6)
L’architecture monastique, expression de la diversité et de l’évolution de la vie monastique

Liste des documents exposés sur cette page : 

 

  

Nouveau plan de la ville de Dijon

 par Beaurain, 1790, corrigé et augmenté 1831 

 A.D.C.O., 1 Fi 11

 

 

Abbaye Notre-Dame de Cîteaux

 Plan de l’abbaye, 1717 

 A.D.C.O., 11 H 209

 

Abbaye Notre-Dame de Cîteaux

 Logis abbatial (projet non réalisé), dessin d’Etienne Prinstet, vers 1718

 A.D.C.O., 11 H 138

 

 

 

Chartreuse Notre-Dame de Lugny

 Plan de l’abbaye, sans date (XVIIIe siècle ?)

 A.D.C.O., 48 H 1

 

Couvent des Dominicains de Dijon

 « Plan de l’enclos des Jacobins de Dijon et des bâtiments en dépendant »,

 par Jean Arnout, entrepreneur à Dijon, 1791

 A.D.C.O., Q 835

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Abbaye Saint-Jean-de-Réome de Moutiers-Saint-Jean

 Atlas, vue des bâtiments d’après le Monasticum gallicanum, XVIIIe siècle

 A.D.C.O., 8 H 1030

Couvent des Ursulines de Dijon

 Plan du couvent et élévation, sans date (XVIIIe siècle ?)

 A.D.C.O., 88 H 1101/1

     

L’architecture monastique, expression de la diversité et de l’évolution de la vie monastique 

 


Nouveau plan de la ville de Dijon

par Beaurain, 1790, corrigé et augmenté 1831 

A.D.C.O., 1 Fi 11

 

À la fin du XVIIIe siècle, Dijon apparaît ici comme une sorte de catalogue, certes incomplet mais significatif, de l’évolution du monachisme de l’est de la France, avec toute la variété des établissements réguliers :

— l’abbaye Saint-Bénigne, fondée au VIIe siècle puis rattachée à l’ordre de Cluny (1), le couvent des Dames de Saint-Julien de Rougemont, maison bénédictine transplantée à Dijon à

partir de 1667 (2), le couvent des Bernardines (cisterciennes) de Tart, rapatrié en 1623 dans la ville protectrice, mais fondée par Etienne Harding, troisième abbé de Cîteaux, mort en 1133 (3), la chartreuse de Champmol, fondée en 1385 par le duc Philippe le Hardi dans la proche campagne dijonnaise (4), représentent les grandes congrégations contemplatives médiévales , souvent réformées ;

— le couvent des Dominicains ou Jacobins (5), celui des Jacobines (6), puis des Franciscains ou Cordeliers (7), des Carmes (8), des Minimes (9) montrent le succès des ordres mendiants, de leurs branches réformées et du regain d’un  monachisme urbain dès le XIIIe siècle ;

— le collège des Jésuites ou des Godrans (10), les Capucins installés au delà du rempart (11), le couvent des Carmélites (12), la maison des pères de l’Oratoire (13), le couvent des Ursulines (14), celui de la Visitation Sainte-Marie (15), la maison Saint-Lazare, hors les murs (16), celle de Notre-Dame du Refuge (17), du Bon Pasteur (18), des Dames de Sainte-Marthe (19) illustrent la vigueur de la réforme catholique et de ses institutions enseignantes et charitables face à la réformation protestante dès le XVIe siècle ;

— avec les dépendances de l’abbaye de Clairvaux (20), l’hôtel urbain de l’abbé de Cîteaux (21), les établissements hospitaliers (22), l’hospice Sainte-Anne (23), les sept églises paroissiales et les multiples chapelles, l’emprise ecclésiastique peut représenter le tiers de la superficie des villes sous l’Ancien Régime. 

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En réalité, dans ses origines premières, le monachisme fuit les villes. Originaire d’Egypte, il gagne l’Occident et la Gaule à la fin de l’Antiquité. Si, en Côte-d’Or, la première fondation demeure Saint-Jean-de-Réome à Moutiers-Saint-Jean, au VIIe siècle, l’expression la plus extraordinaire de la tradition monastique reste Cîteaux.

Le salut de l’âme, la vie éternelle obsèdent les fidèles depuis l’Antiquité. Ils sollicitent les conditions les plus propices à leur obtention.  Les croyants, insatisfaits des conditions religieuses proposées et du monde profane, recherchent une existence conforme à la vie des apôtres et de l’Eglise primitive, jugée comme la vie la plus parfaite. Cette période constitue la référence pour tous les fondateurs qui veulent la recréer dans leur ordre grâce à des règles strictes. Robert de Molesme, à la recherche de la pureté littérale de la règle de saint Benoît de Nurcie (VIe siècle), fonde le Nouveau Monastère dans un désert, une clairière marécageuse de la vaste forêt du sud-est de Dijon, en 1098.

Autour de l’an Mil, les populations, surtout rurales, mal averties des choses de la foi, préfèrent confier leur salut à des êtres considérés comme des intermédiaires entre les hommes et les anges, les moines. Détenteurs d’un christianisme plus authentique, admirés par leur mode de vie fait de renoncements et de culture religieuse, ils apparaissent comme d’indispensables intercesseurs. Dans cette société rurale dominante, les abbayes s’installent dans des déserts forestiers ou marécageux, isolées comme des forteresses, loin du tumulte des hommes, pour trouver plus facilement la sérénité et l’oreille divine. Les moines se considèrent comme des guerriers qui mènent un combat spirituel pour le salut de l’âme des vivants et des morts. 

 



 

Abbaye Notre-Dame de Cîteaux

Plan de l’abbaye, 1717 

A.D.C.O., 11 H 209

 

 La partie centrale de ce plan de l’abbaye chef d’ordre de Cîteaux, avant les travaux entrepris par Lenoir vers 1760, présente l’ordonnance traditionnelle des communautés cisterciennes médiévales. A l’abri des tentations du monde séculier, le fonctionnement conventuel cistercien reprend un plan issu de la tradition bénédictine clunisienne, lui même inspiré de la villa romaine et de la laure orientale. La plupart des congrégations s’inspireront de ces dispositions architecturales cisterciennes. Faute de vestiges archéologiques et de sources irréfutables, il faut recourir aux conjectures pour comprendre l’ampleur de l’architecture figurant sur ce document.

Le Nouveau Monastère, appelé dès 1119 abbaye Notre-Dame de Cîteaux, reste un monde clos, isolé comme une forteresse par un long mur de clôture (1) percé par l’entrée principale (2). Les membres extérieurs à la communauté accèdent à la basse cour (3) entourée de dépendances (4) (écuries, granges, moulin, etc.) et la chapelle des étrangers (5), construite au XIVe siècle, constitue le seul lieu de culte qui leur soit accessible. Seuls les hôtes de marque et les membres de la communauté autorisés, par l’abbé, à quitter la clôture peuvent franchir la porte principale (6) et accéder à la cour d’honneur (7) et à d’autres dépendances (4). Parmi ceux-ci, le duc de Bourgogne puis le roi de France y disposent d’un logis (8). Puis viennent les bâtiments réguliers disposés autour du grand cloître (9), carré irrégulier d’environ cinquante mètres de côté, avec, au nord, l’abbatiale (10), long édifice de près de cent mètres, du porche aux chapelles absidiales. Le succès de la réforme cistercienne impose la construction rapide de cet édifice, Cîteaux III, de 1130 à 1150, avec son chevet plat (a), son chœur des moines (b), celui des frères convers (c), et la porte des morts (d). Au rez-de-chaussée de la galerie est du grand cloître s’organisent la sacristie (11), l’armarium (12) ou réserve de livres de prières, la salle capitulaire (13) où l’abbé réunit sa communauté et l’instruit, où le chapitre général de l’ordre se tient, l’escalier du dortoir (14), le parloir-passage(15) vers les jardins et le travail manuel, le chauffoir (16) et ses cheminées puis la salle des moines (17). Au premier étage court le dortoir collectif, jusqu’au XVIIe siècle, des frères de chœur. Avant de pénétrer dans le réfectoire (18), salle du XIIIe siècle longue de quarante-quatre mètres, alimentée par les cuisines (19), les moines de chœur doivent se laver les mains impérativement au lavabo (20). Ils mangent en silence, en écoutant un moine lire des livres sacrés depuis la chaire du lecteur (21).

A l’est est situé l’espace des convers, ou frères lais, roturiers incultes au statut inférieur à celui des moines de chœur, accueillis pour réaliser les travaux manuels dès 1115. Ils vivent à l’écart dans le bâtiment des convers (22), composé d’un réfectoire et d’un dortoir au premier étage, isolé par la ruelle des convers (23).

Les particularités dues à cette abbaye chef d’ordre masquent la trame générique des établissements cisterciens. Ils sont ici complétés par le scriptorium et la bibliothèque (24) achevés au début du XVIe siècle, le cloître du colloque (25), celui du noviciat (26), le définitoire (27), bâtiment d’accueil des abbés participant au chapitre général annuel, construit au XVIIe siècle, le bâtiment des novices (28), la grande infirmerie ou salle des morts (29) et le quartier de l’infirmerie (30). La dernière cour, celle de l’abbé ou du prieur, son remplaçant durant ses absences de la communauté, correspond au site primitif du Nouveau Monastère où Etienne Harding reçu Bernard de Fontaine et sa fratrie en 1112. La petite abbatiale consacrée en 1105, Cîteaux II (31), devint la chapelle Saint-Edme, un reliquaire témoin de l’essor de l’ordre. Le logis de l’abbé et du prieur (32) ferme l’ensemble.

Aucun ornement ne décore ces bâtiments conçus avec des solutions simples et économiques. Mais ce dénuement, ce dépouillement artistique conduisent à la perfection. Ces bâtiments abritaient plus de deux cents moines et convers au XIIIe siècle. Ils incarnaient l’élan spirituel et la puissance que canalisaient alors ces nouveaux cénobites. Concrètement, l’espace cistercien montre la prière privilégiée par rapport au travail manuel, dans la recherche de la rédemption.

Cîteaux crée un nouvel ordre monastique bien structuré, doté d’une force d’exemple, d’entraînement, et, dans le monde religieux comme laïque, d’une grande renommée, qu’elle doit surtout à l’abbé Bernard de Clairvaux. Mais au temps de l’essor (130 fondations déjà en 1139 et plus de 700 au XIVe siècle) succède le temps du déclin, dès la seconde moitié du XIIIe siècle, lié à l’abandon progressif de l’exigence de pureté originelle, au relatif enrichissement et aux exactions. 

 



 

Abbaye Notre-Dame de Cîteaux

Logis abbatial (projet non réalisé), dessin d’Etienne Prinstet, vers 1718

A.D.C.O., 11 H 138

 

Comme toutes les abbayes, Cîteaux connaît des travaux presque permanents dus aux périodes troubles, depuis le XIVe siècle jusqu’en 1636, aux incendies, dès le XIIe siècle, et aux réfections et modernisations.

Ce projet correspond au mouvement de fièvre de restauration manifesté par le clergé régulier au XVIIIe siècle, voulant moderniser son cadre de vie, difficile dans les vieux édifices médiévaux, et tenter de juguler le déclin des grandes institutions monastiques. Il s’éloigne de l’austérité cistercienne.

D’autres ordres respectent plus scrupuleusement leur règle et conservent leur prestige auprès des laïcs. Les Chartreux appartiennent à cette catégorie. 

 



 

Chartreuse Notre-Dame de Lugny

Plan de l’abbaye, sans date (XVIIIe siècle ?)

A.D.C.O., 48 H 1


L’insatisfaction religieuse, l’exigence de foi poussent de jeunes aristocrates dans une quête de pauvreté, d’une vie ascétique extrême sensées les aider dans leur combat spirituel.

Un des ordres les plus austères, les plus admirés, les Chartreux, fondé par Bruno dès 1084, permet à ses moines de vivre en ermites, avec un minimum des contraintes de la vie cénobitique (offices, repas, chapitres, etc.). Les Chartreux s’imposent une clôture perpétuelle, un silence absolu, le port du cilice, etc. Contrairement aux Cisterciens, ils nourrissent en cellule leur vie contemplative de prières, rythmée par un travail manuel, considéré comme vil donc rédempteur, sur une parcelle individuelle close. L’architecture de la chartreuse de Lugny, fondée en 1172 dans un désert de la vallée de l’Ource, reflète bien les exigences spirituelles et matérielles de cet ordre.

Des enclos, isolant une cellule et séparés par de hauts murs, s’organisent autour du grand cloître. Chaque Chartreux dispose donc d’un abri pour prier et dormir et d’un jardin à travailler en ermite. Une chapelle accueille les offices. Un petit cloître dessert une salle du chapitre et un réfectoire, indispensables à la vie de cénobites.

Le reste des bâtiments de la chartreuse sert de logement ou de locaux professionnels aux serviteurs et officiers vitaux pour le quotidien des cartusiens (sacristain, justicier, charron, menuisier, tonnelier, boulanger, laitier, cuisinier, pressoir, grange, etc.). Le tout comprend aussi vergers, jardins, étangs, fontaines, etc. Les Chartreux doivent vivre en autarcie, coupés du monde.

 

Le XIIIe siècle voit encore la fondation d’ordres contemplatifs comme les Carmes, introduits en France en 1238. Mais les populations vivent plus personnellement leur foi dans un contexte qui privilégie l’activité, la participation, sur la contemplation, la délégation, stimulées par la vitalité urbaine et sa prise de conscience.

Bousculés par la foi cathare et le déclin des grandes abbayes clunisiennes et bernardines, les fidèles, de plus en plus nombreux et insatisfaits dans les villes, réclament d’autres solutions de la part du monachisme. En pleine effervescence religieuse, les ordres mendiants comblent ces besoins spirituels surtout urbains. Insérés dans les villes, ils défendent et propagent la foi catholique par des prêches enflammés et des confessions assorties de pénitences expiatrices. Les marchands comprennent cette pratique religieuse qui évalue chaque péché et propose aux vivants des pénitentiels tarifés pour leur salut : les fidèles peuvent acheter au préalable leur accès au Paradis. Les indulgences se multiplient. La conjoncture religieuse s’adapte à l’essor économique et urbain. 

 


 

 

Couvent des Dominicains de Dijon

« Plan de l’enclos des Jacobins de Dijon et des bâtiments en dépendant »,

par Jean Arnout, entrepreneur à Dijon, 1791

A.D.C.O., Q 835


Dominique de Guzman fonde, en 1215 à Toulouse, l’ordre des Dominicains, sous la règle de saint Augustin (Ve siècle), sur le modèle des Franciscains. Devant la réputation et le succès de cet ordre, l’entourage du duc Hugues III installe un couvent, établissement urbain dès son origine, au cœur de Dijon, en 1237, appelé Ave Maria.

Les bâtiments mendiants reprennent le fonctionnement conventuel cistercien. Mais les particularités spirituelles et structurelles des Dominicains, ou Jacobins, ou frères prêcheurs, imprègnent le cadre architectural qui doit rester sobre et humble, l’ordre vivant de charité.

Les Jacobins restent de grands intercesseurs par leurs prières. Ils abritent donc des sépultures dans leurs églises, dès l’origine très recherchées par les puissants nobles et les riches bourgeois, comme excellents gages pour le salut de leur âme.

Mais ils pratiquent surtout la prédication et la confession. Pour cela, ils construisent des édifices cultuels de grandes dimensions où, contrairement aux Cisterciens, ils veulent accueillir le plus grand nombre de fidèles laïques. Les Dominicains élèvent donc la plus vaste église de Dijon qui propose un cadre efficace aux prédications assénées aux fidèles depuis la chaire placée devant la clôture du chœur des moines. Effectivement, là aussi, les frères protègent leur intimité spirituelle de la dévotion collective de leurs ouailles. Mais rien dans cette église halle ne cache le prédicateur de la vue des fidèles. Le vaste édifice permet d’organiser les confessions et les pénitences liées.

Les Jacobins ne sont pas cloîtrés. Ils quittent leur couvent pour prêcher dans les rues de Dijon. Ils proposent une succession presque ininterrompue d’offices ponctués de processions pour eux-mêmes, organisées dans le cloître, qui doit être large.

L’architecture du corps claustral subit les contraintes de la mission de prédication. Les frères prêcheurs se forment aux homélies et controverses, s’entraînent aux sermons. Le couvent propose alors des enseignements dans des locaux spécifiques, les studia. Les frères les plus brillants prolongent leurs études la nuit et disposent d’une cellule, dispensés de dortoir collectif. Le couvent de l’Ave Maria devient vite un centre intellectuel réputé à Dijon.

La règle impose aussi le travail manuel, considéré comme un ressourcement pour les frères. Il est réalisé dans des officines spéciales (pressoir, etc.) et les vergers et jardins contenus à l’intérieur des murs du couvent. Ainsi s’explique l’ampleur de l’emprise de cette fondation sur l’espace urbain avec ses vergers, ses jardins à proximité du Suzon, et tous ses vastes bâtiments. L’installation d’une telle communauté dans l’espace urbain pose problème : sa destruction, dès 1791, sera rapide et laissera la place au marché couvert de Dijon, au XIXe siècle. 

 


 

Abbaye Saint-Jean-de-Réome de Moutiers-Saint-Jean

Atlas, vue des bâtiments d’après le Monasticum gallicanum, XVIIIe siècle

A.D.C.O., 8 H 1030


Premier monastère implanté en Côte-d’Or au VIIIe siècle, Moutiers-Saint-Jean propose un plan original au XVIIe siècle, résultat des vicissitudes et des phases de reconstructions subies par cette abbaye.

Le fort relâchement des ordres contemplatifs au XIVe siècle et les pillages, profanations ou occupations des guerres de religion du XVIe siècle ( cf. vitrine 21), portent un coup presque fatal au vieux sanctuaire. En pleine réforme monastique, la communauté réorganise les bâtiments en privilégiant les édifices indispensables : le cloître, cœur de la vie monastique, et l’abbatiale avec sa massive tour du transept. Seule l’aile est regroupe l’espace des moines : le dortoir, le réfectoire et le chapitre. Le logis, la cour et les jardins de l’abbé prennent beaucoup de place et s’isolent du quotidien des moines. Des bâtiments d’exploitation (granges, écuries, colombier, etc.) nécessaires à la communauté occupent le reste. Le fonctionnement conventuel éclate ici sous les coups de la crise des abbayes.

Nous ne retrouvons donc plus dans cette rare représentation d’un monastère au XVIIe siècle, la belle ordonnance bénédictine.  


 

 

 

Couvent des Ursulines de Dijon

Plan du couvent et élévation, sans date (XVIIIe siècle ?)

A.D.C.O., 88 H 1101/1

 

Sous la réforme catholique, la construction des couvents se poursuit à Dijon avec celui des Ursulines, en 1614, dont un plan de l’édifice et l’élévation des bâtiments proposent une bonne vision d’ensemble

On repère le cloître, cœur de la communauté, et l’église, située le long de sa galerie nord, conformément à l’agencement bénédicto-cistercien. Les bâtiments imposent donc, déjà, la clôture à ces « filles dévotes ». Cet enfermement concrétisé ici crée débat en 1614 !

Angèle Mérici fonde la Compagnie de sainte Ursule à Brescia en 1535, dont les religieuses vivent non cloîtrées, dans le courant séculier de la vie consacrée qui combat le protestantisme. Elle veut une œuvre de protection de la jeunesse, des filles. Mais, réuni de 1545 à 1563, le concile de Trente lutte contre le relâchement de la discipline dans l’Eglise et la société et impose une réforme catholique. Il veut instaurer la clôture à toutes les moniales, même aux Ursulines déjà fondées, qui s’opposent en Italie. Une Dijonnaise, Anne de Xainctonge, réforme les Ursulines de 1606 à 1614 sur le modèle des Jésuites. Elle se consacre au sort des filles et veut « aider au salut des âmes par la prière, une bonne éducation et instruction de la jeunesse de leur sexe, à l’imitation de saint Ignace ». Mais elle refuse la clôture imposée en France, pour mener à bien sa mission, une vie consacrée à la suite du Christ, comme les Jésuites.

Les documents ici proposés tranchent le débat dans ce couvent fondé à Dijon en 1614 par Françoise de Xainctonge, la sœur d’Anne, grâce à des dons de familles parlementaires :

— la fondatrice dijonnaise accepte bien les transformations monastiques et ses Ursulines deviennent des religieuses cloîtrées ;

— toute une aile située dans les bâtiments construits derrière la galerie ouest du cloître regroupe des espaces destinés à l’instruction des filles (classes, cour des pensionnaires, des externes, etc.).

Les pressions ambiantes, religieuses et sociales, ont eu raison de l’obstination des Ursulines à considérer leur « liberté de sortie » comme partie intégrante de leur appel divin. Ce débat montre le combat de femmes, au XVIIe siècle, décidées à prendre toute leur place et à jouer tout leur rôle dans une société et une Eglise en mutation. Son issue, sur ce document, illustre les peurs des pouvoirs face à ces revendications des femmes, ou plutôt face aux « faiblesses de ce sexe » selon la hiérarchie catholique en 1681.

Le monde monastique montre sa variété, son évolution à la rencontre des besoins spirituels des populations et sa volonté de réaliser l’œuvre de Dieu, l’Opus Dei. Il se structure solidement et suscite des piété dynamiques, évolutives. 









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