La démocratie en marche (page 5/8)
Difficile retour du suffrage universel, 1848-1870

 

La révolution de février 1848 constitue pour beaucoup de contemporains une surprise, comme l'instauration définitive du suffrage universel. Sentant son existence menacée par l'irruption d'une foule agitée, salle Saint-Louis à l'hôtel de ville de Paris le 25 février 1848, comme celle du Gouvernement provisoire républicain tout juste installé, Lamartine annonce l'instauration du suffrage universel. Le 2 mars suivant, une proclamation précise bien le suffrage universel « sans condition de cens » pour faire patienter, dans l'attente des textes légaux, le décret qui instaure le suffrage universel masculin, le 5 mars 1848. Il est hors de question de l'accorder aux Françaises, malgré les revendications de certaines femmes et leur rôle intellectuel et politique dans le retour de la République et les débats sur la société. Mais il ne s'impose pas subitement malgré cela. Tocqueville le perçoit bien: « J'apercevais donc un effort universel pour s'accommoder de l'événement que la fortune venait d'improviser et pour apprivoiser le nouveau maître ». Devant cette décision, les libéraux défaits organisent la riposte.


 

26. L’élection des députés de la Côte-d'Or à l'Assemblée constituante de 1848

 Archives départementales de la Côte-d'Or, 3 M 2

Manuscrit à l'encre sur papier cartonné

 

Tableau des résultats des élections des 23 et 24 avril 1848, en Côte-d'Or, qui consacrent le retour définitif du suffrage universel masculin en France.


 

27. Les représentants de la Côte-d’Or élus en avril 1848

 

Archives départementales de la Côte-d'Or, 3 M 250

Dossier manuscrit à l'encre sur papier

 

Dossier du procès-verbal récapitulatif de l'élection des 10 représentants de la Côte-d'Or aux élections des 23 et 24 avril 1848, véritablement les premiers issus du suffrage universel : Jean-Baptiste Bouguéret-Pétot, Jules Léon James, Pierre Godard-Poussignol, Pierre Joigneaux, Alphonse de Lamartine, Jean-Hugues Magnien, Joseph Maire-Neveu, Etienne Maréchal, François Mauguin, François Monnet.

Lamartine, élu en même temps du département de la Seine, choisit de représenter la capitale. Sa démission occasionna une élection partielle, le 4 juin 1848. Pierre Perrenet complète alors la représentation départementale à Paris.


 

28. Carte d'électeur, juin 1848

Archives départementales de la Côte-d'Or, 3 M 251

Papier imprimé à l'encre

 

Carte d'électeur pour élire un représentant à l'Assemblée nationale lors de l'élection partielle du 4 juin 1848.


Matériel électoral des XIXe et XXe siècles

 

 

29. Cartes d'électeur, 1914 et 1920

Archives départementales de la Côte-d'Or, 3 M 286

Papier et carton imprimés

 

Carte ayant servi pour l’élection d'un membre de la Chambre des Députés, arrondissement de Dijon, 1ère circonscription, pour les journées du 26 avril et du 10 mai 1914.

 

Carte pour les élections municipales, datée du 31 mars 1920.


 

30. Urnes électorales

Objets prêtés par les communes de Marandeuil, Izeure et Lamarche-sur-Saône (2 urnes)

 

Dans l'Antiquité romaine, le même mot (urna) désigne le vase qui sert à renfermer les cendres d'un mort et le vase où l'on dépose les suffrages. Ces vases sont sacrés. Au XIXe siècle, cette boite, dont le couvercle est muni d'une fente dans laquelle les électeurs déposent leurs bulletins de vote, symbolise l'élection. Par extension « aller aux urnes » signifie aller voter. La plus petite semble avoir servi lors des délibérations au sein du conseil municipal.

Ces urnes, objets de tous les soins, constituent un des symbole de « la démocratie au village » en marche, chère à Maurice Agulhon.



31. Bulletins de vote invalidés, 1871

Archives départementales de la Côte-d'Or, 3 M 263

Manuscrits à encre sur papier libre ou imprimés sur papier raturés à l'encre

 

Bulletins émanant du bureau de vote de la Garde nationale de Dijon, lors des élections législatives du 8 février 1871.

La Révolution crée cette milice bourgeoise, sous le commandement de La Fayette à Paris, pour contrôler les débordements populaires. Réactivée de 1815 à 1848, elle est censée défendre la royauté et les intérêts de la bourgeoisie. Le 8 mars 1848, elle s'ouvre à tous, symboliquement, pour représenter l'ensemble des la population et non plus la défense des intérêts d'une seule catégorie sociale.

Sous le Second Empire, elle accueille les conscrits reconnus aptes à servir mais non retenus par le tirage au sort. Elle s'organise administrativement au niveau départemental. La Côte-d'Or possède donc sa Garde nationale, ses « Moblots ». Face à l'invasion de 1870, ces troupes connaissent des difficultés à se déployer efficacement. Mais celle de Dijon, galvanisée par la défense de la ville le 30 octobre 1870 et par la reprise de celle-ci aux Allemands par Garibaldi et ses volontaires en janvier 1871, participe héroïquement aux combats.

Ces combattants participent aux élections des représentants du peuple français à l'Assemblée nationale du 8 février 1871, à la demande de Bismarck, qui souhaite entamer des pourparlers de paix avec des interlocuteurs légitimés par les citoyens. Le cabinet du préfet a conservé le dossier qui lui est parvenu, comprenant le procès-verbal des opérations électorales du deuxième bataillon de mobilisés de la Côte-d'Or, accompagné de la feuille d'inscription des votants, de 40 bulletins blancs et de 39 bulletins nuls. Une partie de ces bulletins est exposée ici.

Des bulletins imprimés avec les noms de Garibaldi, Magnin, Dubois, Carion, Joigneau, Carnot,  Moreau et Tridon semblent leur avoir été fournis. Neuf bulletins voient tous ces noms rayés et portent la mention manuscrite: « ils ne me conviennent pas ». D'autres comptent des noms rajoutés à l'encre, à la main: « Victor Ugo », « Louis Blanc », « Gambetta » ; « La paix avant tout », « la paix » complètent certains.

Des bulletins intégralement manuscrits reprennent beaucoup ce thème de la paix: « PAIX », « vive la france, vive la paix », « je vote pour que la paix se signe très prochainement et que l'on me renvoie chez moi », « la paix, messieurs, la paix, s'il vous plait, la paix », « pour la trenciliter de la france la paix la paix », « vive la france alais la paix ». D'autres écrivent deux noms complétés par la mention: « et ensuite la paix ».

Un dernier groupe concerne la République, parfois appelée et associée à la France, autre thème récurrent, mais parfois reniée: « la paix seulement pas la république ».

Ces bulletins, émouvants par leur expression, permettent de comprendre la victoire des royalistes à ces élections, eux qui faisaient campagne sur le thème, populaire comme on le constate ici, de la paix. Ils permettent aussi de constater le niveau d'alphabétisation en 1871 et celui de l'engagement politique, chez ces hommes, jeunes, impliqués dans le cours de l'histoire. Ils témoignent, par leur spontanéité, de la confiance mise dans le suffrage universel par les hommes acteurs de ce conflit

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32. Élection complémentaire des 4 et 5 juin 1848

Archives départementales de la Côte-d'Or, 3 M 251

Affiche imprimée sur papier

 

Affiche précisant l'organisation matérielle de cette élection, provoquée par l'option de Lamartine de siéger pour le département de la Seine. Le suffrage universel fait peur à beaucoup en 1848. Les autorités, contraintes de l'instaurer, l'organisent donc minutieusement. Les élections ont lieu au chef-lieu de canton. Les citoyens de chaque commune sont convoqués à une heure précise pour voter par lettre alphabétique. Souvent ils font la route, après la messe dominicale, en procession, encadrés par le clergé, travaillés par le notable local, qui peut-être un aristocrate, propriétaire foncier influent. Tocqueville nous laisse une bonne relation de cette journée où il accompagne ses paysans normands voter au chef-lieu de canton. En 1848, malgré le suffrage universel, l'électeur reste « guidé » par les notables traditionnels souvent.


 

33. Loi électorale préliminaire à l’élection de l’Assemblée législative, 1849

 

Archives départementales de la Côte-d'Or, 3 M 45

Fascicule imprimé

 

Texte à l’appui d’une circulaire du ministre de l'intérieur aux préfets, le 19 mars 1849. La loi, adoptée le 15 mars précédent par l’Assemblée constituante, visait à élire une nouvelle Assemblée, propre à calmer les passions révolutionnaires de 1848 et donner une solution aux problèmes politiques et sociaux que connaît alors la France.

 

 

34. Profession de foi d’Adrien Benoît-Champy, candidat aux élections législatives de 1849

 

Archives départementales de la Côte-d’Or, 3 M 2

Imprimé sur papier

 

Le candidat doit convaincre maintenant son électorat dans le cadre d'un suffrage universel masculin encore sollicité malgré les passions populaires toujours virulentes depuis février 1848. Benoît-Champy fut effectivement élu lors des élections, qui se déroulèrent les 13 et 14 mai 1849.

Mais la mise en place du suffrage universel transforme les traditions politiques. Les électeurs, plus nombreux et plus divers, semblent plus difficiles à guider. Il faut davantage les convaincre, d'où cet exposé des idées et propositions du candidat en direction d'électeurs qui peuvent choisir plus librement. Le suffrage universel initie par ses impératifs, ses pratiques,  les citoyens à la démocratie.

 

 

35. Lettre du ministre de l'intérieur aux préfets, 31 mars 1848

 

Archives départementales de la Côte-d’Or, 3 M 2

Lettre imprimée sur papier

 

Le ministre s’inquiète de désordres politiques potentiels dans le pays. Une partie des républicains modérés libéraux domine le gouvernement provisoire, installé par la révolution de 1848. Le suffrage universel leur a été imposé par l'émeute parisienne et les républicains démocrates-sociaux. Ils craignent que ce procédé de décision collective élargi à la définition la plus étendue pensable du corps électoral, donc à des groupes sociaux dont ils redoutent l'ignorance générale et politique, engendre des violences. Le bon déroulement des élections les obsède.

La presse parisienne se fait l'écho de leurs craintes : « Les scrutins électoraux se sont ouverts aujourd'hui dans le plus grand calme ; Paris n'a jamais été plus paisible qu'en ce moment. Il y a tout lieu de penser que les opérations électorales se dérouleront sans troubles. », relatait Le Constitutionnel lors des premières élections au suffrage universel de février 1848.

 

Les partisans de la République progressiste eux-mêmes semblent étonnés. Marie de Flavigny d'Agoult, dans son Histoire de la Révolution de 1848 qu'elle signe, en 1853, sous le pseudonyme de Daniel Stern, s'enthousiasme, surprise apparemment: « Partout l'ordre et le calme régnèrent dans cet immense mouvement moral et matériel d'un peuple tout entier ». Effectivement, l'organisation matérielle du premier scrutin impliquant le corps électoral le plus vaste est une première qui a de quoi inquiéter le ministre, même s'il en est partisan.


 

36. Lettre du ministre de l'intérieur aux préfets, 23 avril 1849

 

Archives départementales de la Côte-d'Or, 3 M 2

Lettre imprimée sur papier

 

Réitération du document précédent, à propos des désordres politiques potentiels. Le préfet esquisse une réponse manuscrite, au brouillon, dans la marge : la Côte-d'Or ne connaît aucun signe de désordre politique actuel.

Marie d'Agoult, dans l’ouvrage signalé ci-dessus, nous éclaire sur ce souci insistant du ministre quant aux risques de désordres générés par le suffrage universel: « Pas un accident, pas un désordre grave ne vint troubler une opération jugée matériellement impossible par les habiles. Les craintes si vives qu'avait excitées cette journée reçurent un éclatant démenti ». Le ministre ferait-il partie des « habiles » ? Prépare-t-il les esprits à une amputation du corps électoral composant un suffrage universel jugé trop dangereux par les modérés et les conservateurs, à partir des émeutes parisiennes de juin 1848 ?


 

37. Loi du 31 mai 1850 limitant le suffrage universel masculin

 

Archives départementales de la Côte-d’Or, 3 M 45

Cahier imprimé sur papier

 

En 1850, la IIe République compte un président bonapartiste et une Assemblée et un gouvernement contrôlés par les libéraux et les conservateurs, qui développent une politique de réaction. Ceux-ci espèrent, par cette loi, corriger les passions populaires sans recourir de nouveau à l'utilisation d'un cens. Elle impose aux électeurs une obligation de résidence de trois ans dans le même canton, attestée par le payement des contributions, pour jouir de leur droit de vote. Dans cette France de migrations internes, cette loi élimine 3 millions d'électeurs sur 9, plus de la moitié à Paris ou dans un département industriel tel que le Nord. Les conservateurs peuvent envisager sereinement les prochaines élections, sans avoir remis en cause le principe même du suffrage universel.

 

 

38. Exclusion des listes électorales, 1850

Archives départementales de la Côte-d’Or, 3 M 45

Cahier imprimé sur papier

 

Ce tableau, dressé suite à la loi du 31 mai 1850, publié le 22 novembre 1850, énumère les cas d'exclusions du suffrage universel qui concernent donc le tiers environ des électeurs actifs avant cette loi.

 

 

39. L’élection présidentielle de 1848 au suffrage universel masculin

 

Archives départementales de la Côte-d’Or, 3 M 2

Affiche imprimée sur papier

 

Affiche du 28 octobre 1848, annonçant l'organisation matérielle très rigoureuse de cette élection, prévue le 10 décembre suivant, la première en France pour élire un Président de la République. Ce sera Louis-Napoléon Bonaparte. La France fut ainsi le premier pays au monde à se doter d'un chef de l'État élu au suffrage universel masculin.

 

 

40. Le coup d’État du 2 décembre 1851 : l’armée

Archives départementales de la Côte-d’Or, 3 M 2

Affiche imprimée sur papier

 

Par cette proclamation, le prince-président remercie l’armée engagée à ses côtés dans le coup d’État et qu'il vient de perpétrer.

Le président de la République, élu en décembre 1848 par le suffrage universel, ne peut pas constitutionnellement postuler pour un second mandat immédiatement consécutif au premier. Or Louis-Napoléon Bonaparte a le projet de rétablir l'Empire. De ce fait, il doit rester à la tête de l'État et des armées. Il décide donc, malgré son serment à la constitution, d'organiser un coup d'État qu'il prépare fort efficacement avec des fidèles comme Morny, son demi-frère, des généraux de tradition bonapartiste et des soutiens dans les milieux d'affaires, inquiets de la politique de réaction du gouvernement dominé par des royalistes. Tout ceci reste compliqué !

Bonaparte a besoin du soutien de l'armée car des départements restent fidèles à la République et prennent les armes contre cet usurpateur et son coup d'État. L'armée écrasa ces résistances, à Paris comme dans les départements, au prix de plusieurs centaines de morts et de milliers de déportations outre-mer.

 

 

41. Le coup d’État du 2 décembre 1851 : le peuple

Archives départementales de la Côte-d’Or, 3 M 2

Affiche imprimée sur papier

 

Proclamation du prince-président au peuple français, le 8 décembre 1851, pour le rassurer et se le concilier, suite au coup d'État.

Louis-Napoléon Bonaparte s'adresse au besoin de calme et d'ordre de Français, las de cette période très agitée politiquement et économiquement depuis 1847. Ils aspirent à la prospérité et la gloire que dit leur procurer ce Bonaparte qui multiple les références positives à son oncle.

 

 

42. Le plébiscite du 21 décembre 1851

Archives départementales de la Côte-d’Or, 3 M 184

Cahier manuscrit à l'encre

 

Ce cahier des résultats intitulé « élection présidentielle » dévoile un lapsus révélateur de la part de l'administration préfectorale. Car en fait, ce sont les résultats du plébiscite organisé le 21 décembre 1851 par le prince-président Louis-Napoléon Bonaparte, suite à son coup d'État du 2 décembre, « l'acte énergique » pour ses partisans, et après l'échec de la résistance à celui-ci à Paris et dans les départements, face à la répression militaire.

Pour cette consultation, il abolit la loi du 31 mai 1850 et rétablit donc, comme il l'a dit dans sa proclamation du 2 décembre, le suffrage universel masculin dans sa plénitude.

Rondement organisé, ce vote est un succès grâce à 7 millions et demi de oui, contre 640 000 non, 36 000 bulletins nuls et environ 1 million et demi d'abstentions. Mais les voix du 21 peuvent-elles laver le sang du 2 décembre ? Bonaparte a son chiffre. Il sait contrôler le suffrage universel.

 

 

43. La préparation des élections législatives de 1852: instructions ministérielles

 

Archives départementales de la Côte-d'Or, 3 M 45

Lettre imprimée sur papier

 

En prévision des élections législatives au suffrage universel rétabli dans sa plénitude, le ministre de l'intérieur Morny veut que son administration guide « l’opinion publique » dans les départements en lui faisant connaître la pensée du chef de l’État, en cassant les liens d'influence habituels entre les notables traditionnels et les électeurs et en repérant des hommes sûrs, capables de constituer des candidats à recommander au choix des électeurs par le gouvernement. Il envoie donc ses instructions aux préfets le 20 janvier 1852. Elles sont  complétées par une annotation manuscrite du préfet, le baron de Bry, dans la marge, ordonnant de la transmettre aux sous-préfets, aux maires et aux fonctionnaires publics pour exécution.


44. Instructions préfectorales, 1852

Archives départementales de la Côte-d’Or, 3 M 2

Lettre imprimée sur papier

 

Lettre circulaire du préfet de Bry aux maires et fonctionnaires publics, datée du 10 novembre 1852, dans laquelle il leur précise ses recommandations dans l'esprit gouvernemental. Le suffrage universel à ce stade devient très encadré.


 

45. Le télégraphe au service des opérations électorales, 1852

 

Archives départementales de la Côte-d'Or, 3 M 45

Transcription manuscrite à l'encre sur papier

 

Transcription d'une dépêche télégraphique, témoignant de la modernisation des outils au service du ministère en charge des élections et de l'administration surveillée du territoire.

Le Second Empire constitue, pour la France, une période d'essor économique et des techniques très modernes jamais rencontrée jusque-là.

 

 

46. Le plébiscite pour le rétablissement de l’Empire en 1852 : intervention préfectorale

 

Archives départementales de la Côte-d'Or, 3 M 2

Lettre manuscrite à l'encre.

 

Circulaire du préfet de Bry, du 10 novembre 1852, aux maires, juges de paix, percepteurs et autres fonctionnaires de l’État dans le département, pour stimuler le zèle des électeurs lors du prochain plébiscite destiné à valider le rétablissement de l'Empire français, acquis par un sénatus-consulte du 7 de ce même mois.


 

47. Les élections au Corps législatif en 1852 : les 3 candidats officiels

 

Archives départementales de la Côte-d’Or, 3 M 2

Affiche imprimée sur papier

 

Cette affiche préfectorale appelle à voter pour les candidats favorables au gouvernement, Vernier, Ouvrard et Louis-Bazile. Ils remportèrent effectivement les trois sièges de députés et représentèrent la Côte-d'Or au Corps législatif élu en février 1852. Dix la représentaient à l'Assemblée nationale dissoute en 1851.

La constitution de janvier 1852, inspirée de celle de l'an VIII, prévoit un Corps législatif de 260 députés élus pour 6 ans, sûrement pour « éviter toute la partie théâtrale, dramatique, des assemblées, en interdisant la reproduction des discours ; de cette façon, les membres de ces assemblées n'étant plus préoccupés par l'effet que doivent produire les paroles qu'ils prononcent à la tribune, songeront davantage à faire sérieusement les affaires du pays. » selon les propres propos de Morny contenus dans sa lettre du 20 janvier 1852, ci-dessus (n° 43), de vrais arguments antiparlementaires. À raison d' un député pour 35 000 habitants, la Côte-d'Or en compte 3, au prix du regroupement de 2 de ses arrondissements.

Jean-Baptiste Charlemagne Louis-Bazile, élu des arrondissements de Châtillon-sur-Seine et de Semur-en-Auxois, regroupés pour cause, déjà, d'exode rural, n'est pas un homme nouveau. D'une famille de banquier négociant du nord de la Côte-d'Or, ce dynamique maître de forge reste député de 1827 à 1834 et retrouve le Corps législatif de 1852 à 1863. Il symbolise typiquement le notable libéral qui passe facilement de l'orléanisme au bonapartisme, comme beaucoup.

Le profil de Julien, dit Jules Ouvrard diffère. Fils du richissime munitionnaire grand acquéreur de biens nationaux dans les vignobles bourguignons les plus réputés, il obtient ici son premier mandat et meurt au cours du second en 1861. Ce notable, au sens social du terme, fait figure ici d'homme politique local nouveau et correspond tout à fait à ceux recherchés par Morny, en rupture avec les élus traditionnels.

Théodore Vernier illustre mieux la rupture voulue par Bonaparte avec l'ancienne notabilité politique. Ce brillant avocat local, futur maire de Dijon, siège, pour la première fois, au Corps législatif de 1852 à 1863, date à laquelle sa nomination au Conseil d'État récompense sa fidélité bonapartiste.

Le Second Empire a besoin d'un renouvellement des cadres politiques pour briser le pouvoir du parti de l'ordre, qui représente encore le risque royaliste. Il doit se doter de députés favorables, très fidèles, qui ne constituent pas un obstacle entre l'empereur et le suffrage universel qu'il contrôle par les plébiscites aux dates habilement choisies.

 

 

48. Les élections au Corps législatif en 1852 : le candidat Théodore Vernier

 

Archives départementales de la Côte-d’Or, 3 M 2

Affiche imprimée sur papier

 

L'affiche officielle de la préfecture vante les mérites de Théodore Vernier candidat à l'élection du Corps législatif pour l'arrondissement de Dijon, le 29 février 1852. Comme nous l'avons vu, il siègea jusqu'en 1863.


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Les Français retrouvent le suffrage universel. Le 5 mars 1848 reste la date de son instauration officielle, aux dépens de 1792, tentative avortée, marquée par la Terreur, mais précédent essentiel pour la mémoire de ses partisans. La force de cette date réside aussi dans le fait que, depuis cette date, aucune décision n'a osé le supprimer, pas même Pétain, qui s'est contenté de le mépriser. Nous avons vu qu'il représente une part importante de l'apprentissage de la démocratie, donc il l'encourage.

Mais l'expérience de la IIe République montre que, sans instruction, le suffrage universel se laisse manipuler pour permettre une expérience de pouvoir personnel, le césarisme plébiscitaire.

Enfin, la politique du Second Empire rompt les liens traditionnels entre les anciens notables, souvent royalistes, et les électeurs, dus à l'identification communautaire, au vote de solidarité, de consensus patrimonial ou de proximité, ou tout simplement aux relations de domination sociale ou économique. Cette politique brise l'assujettissement des électeurs aux notables qui maintenait, par dessus les lois, une logique censitaire : l'électeur votait pour l'homme puissant dont il dépendait.

Elle va favoriser l'affirmation de l'individualité citoyenne, la construction de la citoyenneté. À la chute de l'Empire, les hommes de la République pourront profiter lentement de cette transformation des relations de domination sociale.


 

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