La démocratie en marche (page 4/8)
Heurs et malheurs du suffrage universel, 1795- 1848

 

 

16. Exclusions électorales sous le Directoire, 1799

Archives départementales de la Côte-d'Or, L 192

Cahier imprimé sur papier

 

Le 12 floréal an 7 (1er mai 1799), cette circulaire confirme les exclusions apportées au suffrage universel, grâce à l'alliance des libéraux et des contre-révolutionnaires qui redoutent par-dessus tout les passions populaires utilisées depuis 1789. L'exclusion des Françaises, ex-nobles ou non, et de leurs enfants, n'est pas discutée. Malgré leur participation à la vie politique, cette circulaire rappelle que la Constitution de 1795 n'accorde l'exercice d'aucun droit politique aux Françaises et que seuls des droits civils leur sont confirmés. Le Code civil de 1804 entérine cette situation jusqu'en 1944. Elle semble aller de soi pour la majorité des Français. Les conservateurs reprennent en main la société dès 1794 et les Françaises en constituent les principales victimes après les avancées de laïcisation de 1792 (mariage et divorce civils, ...).

L'exclusion des « ex-nobles » concerne les émigrés qui peuvent appartenir à l'armée des princes engagée aux côtés des puissances étrangères contre les armées françaises.


 

17. Liste des notables pour les élections départementales en Côte-d'Or en l'an 9

 

Archives départementales de la Côte-d'Or, 3 M 17

Cahier imprimé et annoté à l'encre

 

La Constitution dite de l'an III ou de 1795, qui met en place le Directoire, rétablit le cens, déjà utilisé avant 1792, en le relevant. La pleine citoyenneté s'affiche comme un signe de réussite sociale, justifiée par le montant des contributions acquittées. Élus selon ces principes, le Conseil des Cinq-Cents et celui des Anciens se peuplent essentiellement de propriétaires fonciers très influents vu leur rôle économique dans les départements.

Le coup d'État du 18 Brumaire permet la Constitution de l'an VIII, qui met en place le Consulat. Elle confirme le suffrage censitaire avec une base de 6 millions d'électeurs qui choisissent les membres du Tribunat et du Corps législatif. Les réformes constitutionnelles de l'an X et de l'an XII confirment ces orientations.

La France des notables s'organise autour des principaux bénéficiaires de la vente des biens nationaux qui bat son plein, paradoxalement, pendant cette période conservatrice. Ainsi, Emmanuel Crétet, bonapartiste, acquéreur entre autre de la Chartreuse de Champmol, qu'il contribue à démanteler, représente la Côte-d'Or aux Anciens puis au Sénat jusqu'en 1814, ou Bernard François de Chauvelin, acquéreur de l'abbaye de Cîteaux, qui siège au Tribunat jusqu'en 1804.

Dans ce contexte, le terme de notable, de notabilis, qui donne aussi notoire, signifie qui est digne d'être noté, remarqué, connu, qui occupe une situation sociale importante. La situation sociale de ces personnages leur confère une certaine autorité dans les affaires publiques.

 

 

18. Le contrôle des citoyens électeurs en l'an 10

Archives départementales de la Côte-d'Or, 3 M 41

 

Ces directives adressées aux préfets montrent que le suffrage censitaire constitue un solide rempart pour les conservateurs contre un retour de réformes, nuisibles à leurs intérêts personnels. Leurs arguments contre le suffrage universel utilisent l'image des horreurs de la terreur qui lui est attribuée et l'immaturité du peuple qui manque d'instruction, des paysans « abrutis » aux « brutes » du petit peuple des villes, capables des pires violences. Ceux-ci doivent être maintenus à l'écart des pratiques politiques légales, malgré leur désir de voter. Le respect des conditions du cens constitue donc un souci et une tâche primordiale pour les préfets en charge du maintien de l'ordre intérieur.


 

19. Caricatures par Noé de pairs de France issus de la Côte-d'Or sous la Monarchie de Juillet

 

— Étienne Heudelet de Bierre,

— Hugues Marey.

Extraits de Côte-d'Or Du canton à la Nation, élus et représentants depuis 1789,

Archives départementales de la Côte-d'Or, Dijon, 2006.

(N° 241, page 228, n° 316, page 262)

 

On peut consulter les biographies de ces deux représentants de la Côte-d'Or à la Chambre des pairs, dans l'ouvrage indiqué ci-dessus.

Substituée au Sénat napoléonien par la constitution qui organise les pouvoirs en France lors de la restauration de Louis XVIII en 1814, la Chambre des pairs devient un exemple de la négation même des principes démocratiques, ici foulés aux pieds par les contre-révolutionnaires. Le roi nomme les pairs selon son bon vouloir, sans limitation de nombre, à titre viager ou héréditaire. Cette institution se maintient sous la Monarchie de Juillet.

Le principe d'autorité, armature idéologique de l'Ancien Régime réapparaît, contre les idéaux humanistes.


 

20. Affiche annonçant, par la loi du 5 février 1817, les élections censitaires sous la Restauration

Archives départementales de la Côte-d'Or, 3 M 43

Affiche imprimée sur papier

 

Cette loi renforce le cens et l'âge d'accès au statut d'électeur. Après la dissolution de « la Chambre introuvable » en 1816, la monarchie constitutionnelle se constitue une base politique réduite, la France légale. Par le cens, elle cherche à corriger l'utilisation faite des passions populaires depuis 1789. Les électeurs doivent avoir 30 ans et payer au moins 300 francs d'impôts, les éligibles 40 ans et payer plus de 1000 francs d'impôts. La France légale tombe à environ 100 000 citoyens actifs.


 

21. Liste électorale de l’arrondissement de Semur-en-Auxois sous la Monarchie de Juillet

 

Archives départementales de la Côte-d'Or, 3 M 44

Affiche imprimée

 

Sur la liste des principaux électeurs du quatrième arrondissement, celui de Semur-en-Auxois, dressée entre 1831 et 1833, apparaissent les montants payés au titre des contributions directes.

La base politique légale de la Monarchie de Juillet s'accroît tout en restant éloignée de la France réelle. L'électeur doit être âgé de 25 ans et payer 200 francs de contribution, l'éligible doit avoir 30 ans et payer 500 francs d'impôts. La citoyenneté reste liée à la détention d'une propriété conséquente, signe de réussite sociale et de statut valorisant, qui passe par la publication acceptée du montant des contributions honorées. En 1847, la France compte 246 000 citoyens actifs environ. À titre indicatif, après le rétablissement du suffrage universel en mars 1848, 9,4 millions de Français s'inscrivent sur les listes électorales.

 

 

22. Actualisation des listes électorales, 1828

Archives départementales de la Côte-d'Or, 3 M 43

Lettre imprimée sur papier

 

Cette lettre du ministre de l'intérieur précise au préfet de la Côte-d'Or les modifications à apporter pour actualiser les listes électorales, nominativement. La royauté manifeste ici le même souci de contrôle étroit du suffrage par rapport aux lois corrigeant le scrutin. Car le peuple fait peur et le cens permet aux notables de lui imposer leur ordre et leur autorité.


 

23. Carte d'électeur, 1842

Archives départementales de la Côte-d’Or, 3 M 2

Papier imprimé complété à l'encre

 

Le document montre le soin apporté à la surveillance de l'électorat. Cette carte d'électeur récemment décédé, du collège de l'arrondissement électoral de Semur-en-Auxois, le quatrième de la Côte-d'Or, est conservée dans les archives du cabinet du préfet. Elle montre, si besoin est, l'attention portée à l'organisation et la surveillance des listes électorales censitaires.

 

24. Convocation des collèges électoraux départementaux pour l'élection d'une nouvelle Chambre des députés, 1830

Archives départementales de la Côte-d'Or, 3 M 44

Affiche imprimée sur papier

 

Affiche faisant suite à la dissolution la Chambre des députés par le roi Charles X le 20 mai 1830. La nouvelle chambre doit se réunir le 3 août 1830 avec la chambre des Pairs. Le roi vient de déclencher une période électorale et une crise politique qui lui seront fatales.


 

25. Affiche du préfet de la Côte-d’Or pour le déroulement des élections, 19 juin 1830

 

Archives départementales de la Côte-d'Or, 3 M 44

Affiche sur papier

 

Affiche du baron de Wismes, préfet de Charles X en Côte-d'Or. Elle met en garde contre les risques de désordre lors des élections à venir. L'enjeu qu'elles constituent préoccupe la France réelle, en partie exclue par le cens de la vie politique cantonnée à la France légale composée des propriétaires, surtout fonciers, les plus fortunés. Les inquiétudes gouvernementales s'avèreront fondées : malgré ces précautions, la révolution des Trois Glorieuses emporte le régime de Charles X les 27, 28 et 29 juillet 1830.


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Les tentatives de restauration de la royauté, conservatrice, contre-révolutionnaire ou libérale, échouent face à la révolution de février 1848. L'opposition républicaine se reconstitue à la Chambre des députés dès la Monarchie de Juillet et le courant bonapartiste reste influent dans le monde paysan. La question ouvrière se pose en France face à la misère que connaît cette catégorie sociale qui s'accroît, issue du développement amorcé de l'industrie. Le suffrage universel et la République semblent constituer des réponses, pour les progressistes, à la question ouvrière. Pour eux la solution passe par renouer le fil interrompu avec la Grande Révolution. Mais pour beaucoup de Français, conservateurs ou libéraux, le suffrage universel représente la dictature des masses et garde sa nocivité.

 

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