La démocratie en marche (page 2/8)
Avant-propos

 

La France contemporaine naît en 1789. Depuis, les Françaises et les Français tentent de se doter du régime politique qui assure la stabilité et la cohésion au tissu social national, la paix civile en rapport avec les circonstances. Depuis cette fin du XVIIIe siècle, les débats portent sur le mode du choix de la souveraineté et des dirigeants en charge de la gestion de l'État et de l'ensemble des institutions qui gèrent la communauté nationale.

La démocratie, du grec dêmos « peuple » et kratos « force, puissance », s'impose difficilement, toujours contestée par une frange de la population. Elle consacre, en France, un régime politique organisé selon le principe de la souveraineté de l'ensemble des citoyens, principe longtemps contesté, refusé et combattu par une partie active des Françaises et des Français.

Un régime démocratique ne se résume pas au recours au suffrage universel pour choisir le type de pouvoir et ses dirigeants. Issue de la révolution humaniste, qui guide l'émancipation de l'individu depuis la Renaissance, et conceptualisée par les Lumières, la démocratie implique surtout la formation des citoyens par une instruction qui leur permette d'effectuer un libre choix, personnel, de leurs représentants. Pour Danton, « Après le pain, l'éducation est le premier besoin du peuple », d'où l'œuvre scolaire voulue par les républicains démocrates et les difficultés occasionnées par leurs adversaires. Puis viennent la liberté de s'informer grâce à une presse libre accessible, les autres libertés individuelles de penser, de se réunir, de se déplacer ... et l'organisation régulière de scrutins libres, dans le cadre de la loi.

Mais, si l'élection au suffrage universel ne suffit pas à la démocratie, elle lui est indispensable. Sa répétition constitue l'un des apprentissages les plus efficaces à la politisation des citoyens, c'est-à-dire à leur conversion à la politique en tant que participation à la gestion des choses publiques. Cette exposition, qui découle de l’ouvrage publié naguère par les Archives départementales, Côte-d'Or. Du canton à la Nation, élus et représentants depuis 1789, se limite à l'aspect électoral de la progression vers la démocratie. Elle ne prétend pas à l'exhaustivité sur ce sujet, ni à proposer une étude de type universitaire. Elle reste tributaire des documents des fonds utilisés, riches mais dissymétriques, et des impératifs techniques de leur présentation, pas toujours favorables à la progression chronologique. Elle en illustre surtout les pratiques plus que les idées. Parmi ces pratiques, elle concerne surtout les élections législatives nationales. Or nous sommes conscients de l'importance aussi des élections locales dans le processus de pacification de l'opposition, des passions politiques violentes.

Les bases liées aux pratiques électorales dans la construction démocratique sont posées dès 1789, par la Grande Révolution. Mais une grande partie de la population française refuse et combat tout de suite cette évolution du régime politique, lui préférant le conservatisme et son principe d'autorité. La lutte pour la démocratie s'avère longue, incertaine parfois et confuse, jusqu'à la fin de la IIIe République, en 1940 ou 1945, si on ne tient pas compte de l'épisode funeste de l'État français.

Après 1789, il semble difficile de ne pas confier le devenir de la France au corps électoral, celui-ci ayant été consulté plusieurs fois pour des élections législatives nationales et des élections locales. Mais le problème vient de la définition de celui-ci et plus exactement de son niveau et de ses conditions de rétraction ou d'accroissement. Après quelques hésitations, la pratique de rétracter la base politique légale de la France s'impose dès la Constitution de 1795, qui place la République française sous le régime du Directoire. Le critère de l'inégalité sociale est retenu et c'est le cens, vieux principe romain, qui le détermine. Mais les Françaises et les Français connaissent, pour l'avoir utilisée, la réalité du suffrage universel. Certains ne l'oublieront jamais. Ce principe s'impose définitivement, en théorie, en 1848. Dans la réalité, très vite les forces conservatrices réussissent, au mieux, à le guider, au pire, à le contrôler jusqu'en 1870. La IIIe République renoue, difficilement parfois, avec le fil interrompu en 1793 et 1848, mais en gardant toujours un critère masculin, discriminatoire, jusqu'à l'intégration, en 1944, de la moitié de la population nationale dans le corps électoral, les Françaises. L'universalisme de la raison gagne en crédibilité en progressant ainsi en France, malgré des adversaires toujours décidés à l'abattre.

 

 

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