Dégustation de vin et d'archives de Morey (page 1/1)
Présentation des documents

 

1. Champ-Perdrix et Monts-Luisants

3 mars 1202 (a.st.)

12 H 156


Alveius, chevalier, seigneur de Sombernon, donne à l'abbaye de la Bussière deux « pièces de vigne » : « Montlusain » (5 journeaux) et « Cham Perdri » (6 ouvrées). Les Monts-Luisants touchent au « finage de Gevrey » et au « bois de Morey », ce qui est encore très exactement le cas huit siècles plus tard ! Au-dessous, la vigne touche à une parcelle de Benoît Guioteaul, de Gevrey.

Le nom de Champ-Perdrix existe encore, notamment à Dijon, à Marsannay et à Vosne-Romanée, mais plus à Morey. Cette vigne était située entre le clos « Es Blans » et « subtus » (sous) une pièce de vigne appelée « Bonne Merre » (Les Bonnes Marres).

Le seigneur de Sombernon explique pourquoi il fait ce don aux moines de la Bussière : il veut les remercier de leurs bienfaits et entend travailler au salut de son âme.

Encore un exemple de collusion entre le spirituel et les spiritueux, ici dûment patronnée    par Martin, archiprêtre de Vergy et Jean Cruge, prieur de Gilly !

 


 

 


 

 

 

2. Un muid de vin « bon et pur »

Juin 1257

12 H 158


Jean de Morey, dit Pollenat, doit chaque année un muid de vin à l'abbaye de la Bussière, vendangé sur la vigne du territoire « Richot » ; la moitié de ce muid est due en vertu de la donation qu'en avait faite feu son frère Guy. Richot est située entre la vigne de Jean « Matricularii » et celle de Jean « Pertatii ».


 

 


 

 

 

3. Bail de la vigne de « Mont Luysan »

1272

12 H 158


Robert, gendre de Viennet Perron, de Morey, prend à bail, de l'abbaye de la Bussière, la vigne de Montluisant ainsi que la terre voisine sise au-dessus. Il s'engage «  planter et édifier » la vigne en 1272 et à verser ensuite chaque année à l'abbaye le tiers des fruits de la vigne. La transmission de cette vigne, qui ne pourra être divisée, se fera exclusivement par primogéniture mâle.

Les sceaux ont disparu mais, chose curieuse, le pli destiné à les recevoir, désormais ouvert, laisse voir un fragment du texte du bail.


 

 


 

 

 

4. « Cloux Saulconit » = Clos Solon ?

Mai 1314

11 H 905


L'orthographe médiévale des noms de lieux laisse parfois planer le doute sur l'identification des climats. Ici Perrel de Chercous, clerc de Fleurey, donne à l'abbaye de Cîteaux ce clos, qui est situé entre la vigne du seigneur de Mont-Saint-jean et celle du chapitre de Vergy.

Le verso de ces chartes porte les analyses, en latin puis en français, des archivistes de Cîteaux, du Moyen Âge à la fin de l'Ancien régime.


 

 


 

 

 

5. « 14 muids de vin bon, pur, rouge et marchand »

19 décembre 1358

B 11259, f. 4v


Michel Judas et sa femme Guillemette, de Morey, vendent ces 14 muids pour la somme de 20 florins, qu'ils livreront à raison de deux muids par an pendant 7 ans, « au temps des vendanges ». Le muid de vin de Morey est donc à 1,43 florins.

Dans le même registre du notaire Poinceard de Vitteaux, on trouve une vente de 10 muids pour 14 florins (1,4 florin), ou encore de 12 muids pour 18 florins (1,5 florin). Sans doute la somme est-elle arrondie au florin supérieur ; ou bien le tarif varie-t-il en fonction de la qualité du vin ?


 

 


 

 

6. Première mention connue du clos des Lambrays

9 février 1365 (a.st.), en fait 9 février 1366

11 H 907


Perrenette, veuve de Jehannin Fontoillet, prend à bail, auprès de l'abbaye de Cîteaux, une vigne En Richot (5 ouvrées) et une autre
« desuper le cloux de Lembrey » (au-dessus du clos de Lambrays) (2 ouvrées), mentionné à la 9e ligne. Cette seconde vigne est voisine de celle de Guy de Pontailler, chevalier, et de celle de Jean Fontoillet, sans doute apparenté au mari décédé de la veuve. Chaque année la vigneronne devra à Cîteaux « un muid de vin bon et pur à la mesure de Dijon ».

Les seuls mots français du texte sont les patronymes et les noms de climat.


 

 


 

 

7. Très Girard ou Treul Girart ?

30 mars 1388 (a.st.)

11 H 905


Le nom de Très Girard, porté par un climat, une rue et un hôtel, est si énigmatique que les vignerons tentent de lui trouver une origine étymologique. Par exemple : « Le Très Girard » est en fait le nom du propriétaire de cette parcelle il y a 2 siècles, Monsieur Girard de Fropiac. Traits puis Très est mis pour Crais, comme pour désigner le sable qui domine dans le terrain ou en fait le fond ».

Mais la solution, qu'avait déjà trouvée Françoise Dumas, est dans les archives. En 1388, l'abbaye de Cîteaux achète à Jeannin dit Chifflez alias Ravote un « trossum » de vigne d'une « demie-ouvrée, sise dans le finage de Morey en Treul Girart près du clos de Cîteaux (...) et longeant le grand chemin », aujourd'hui la D 974. La parcelle porte le nom du pressoir (treul en bourguignon, venant de torculum en latin) d'un certain Girard, qui vivait à Morey il y a au moins... 6 siècles. Le nom de « treul » a été déformé, et on ne le comprend plus, à moins de se plonger dans les archives !

 

 


 

 

8. Terrier de l'abbaye de Cîteaux pour Morey et Chambolle

1515

11 H 902, f. 51


Chaque tenancier de l'abbaye fait la reconnaissance de la vigne qu'il cultive, en précisant la surface, le nom de ses voisins et le montant de la redevance (en général en nature, du « vin vermeil bon pur net loyal et merchant a la mesure et jauge de Dijon »). Les redevances sont précisément assignées sur des « lieux dits », ce qui garantit le climat de provenance du vin, lequel a été ajouté à la plume au XVIIe siècle dans la marge : signe que c'est l'information pertinente pour caractériser le vin. Ou Saulcis, En Rychot, Derrier la Bussière, Prey du Puys du bois Boichot, auprès des meix Guynement, au Perroul, Poisot, En Ruotte, Es crays de Charrier, Es Arbues.

Beaucoup de ces climats existent encore aujourd'hui, mais d'autres ont été oubliés. Le terrier est un outil à la disposition des vignerons d'aujourd'hui qui voudraient affiner la délimitation parcellaire de leurs climats.


 

 


 

 

 

9. Un bail de 29 ans

31 janvier 1517 (a.st.)

12 H 158


René de Bresche, fils bâtard de Jean, bâtard de la Tremoille, est (entre autres) abbé de la Bussière. Il afferme pour 29 ans à Claude Myeroillet une vigne d'environ six ouvrées « ou lieudit en Ruchot ». Au terme du bail, le preneur devra rendre à l'abbaye la vigne « en bon et souffisant estat au dit de gens ad ce cognoissans ». Le bailleur quant à lui s'engage à « soigner treul, cupve et cellier ».

Le premier cru Les Ruchots est aujourd'hui encore voisin du premier cru La Bussière.


 

 


 

 

 

 

10. Accord entre les moines de Cîteaux et les

chanoines de Saint-Denis de Nuits

1664

11 H 913


Si les chanoines « font par leurs mains » (c'est-à-dire par leurs ouvriers) les vignes de Cîteaux à Morey, ils sont exempts de dîme ; mais s'ils les font « façonner » par d'autres personnes, ils paieront tout de même la « demy dixme » à Cîteaux. On en dresse une liste qui nous est précieuse car elle donne le nom des vignerons de plusieurs vignes de Morey en 1664.

Le bas de Lambrays s'appelle le Peu Meix ; il est cultivé par Bernard Rey, Claude Royer, Antoine Salignon et par leuve de Michel Gatereau. Il faut distinguer le Peu Meix du « maix dessous les Lambreys ». La veuve Gousset et Nicolas Chaumonet ont chacun deux ouvrées « ès Lambrey » proprement dite. Ces détails manifestent l'existence d'une approche parcellaire au sein du clos des Lambrays depuis au moins le XVIIe siècle.


 

 


 

 

 

11. Sur les hauts de Chambolle et de Morey

Fin du XVIIe siècle

21 F 32


Au-dessus des vignes, c'est le domaine des combes, des roches, des friches, des épines, des bois, qui créent aussi les conditions (terre, eau, air, lumière) des climats situés en contre-bas à l'est. Au-dessus de ces terres incultes on trouve, sur ce que nous appelons désormais la haute-côte, les terres labourables et les « chenevieres » (chanvre).

Un voyageur qui observerait ces terres inexploitées au regard du prix des bouteilles pousserait hardiment au défrichage et à la plantation, dans un esprit de rentabilité. Mais ce serait sans doute une (grosse) erreur !


 

 


 

 

 

12. Les vignes du lieutenant criminel Midan

Début du XVIIIe siècle

26 F 10


L'état des vignes de ce magistrat est griffonné sur un papier raturé. Ce domaine fut constitué à l'origine par la famille Midan, originaire de Morey, qui compta parmi ses membres des officiers de judicature au bailliage de Dijon. Il fut vendu en 1736 à Bernard Charbonnier, marchand à Dijon, dont les héritiers le cédèrent en 1786 à Charles-Rémy Magnien de Serrières, ancien officier de dragons. Celui-ci le vendit en l'an VI à Claude-Amable Molin, propriétaire à Beaune, dont le descendant Paul Molin, professeur à l'École de viticulture de Beaune, donna les archives aux Archives départementales en 1955.


 

 


 

 

 

13. Le domaine du nouveau propriétaire

1736

26 F 14


Antoine Midan, lieutenant général criminel au bailliage de Dijon avait des dettes. Il a dû vendre son domaine de Morey et de Gevrey, qui a été acheté par Bernard Charbonnier, un marchand de Dijon, et son épouse Angélique Gilbert. La déclaration qu'en font les nouveaux propriétaires est nettement plus soignée que celle de Midant (cf. document précédent).

Il s'agit d'un grand corps de logis sis rue de Velle, à l'entrée de Morey du côté de Gevrey, avec chapelle, pressoir, cellier, chambre à four, parterre. C'est aujourd'hui le cellier de Dionysos.

Charbonnier a conservé les vignerons de la famille Midan : Barthelemy Chopin (En Sorbey, En Treüil Girard, Es Crais, En Gruanchy, En Godelle, En Charrière, En Chézeau, En Champ de Perdrix, en Combotte haute, Au Grand Frachot, Au Petit Frachot, Au Crot de Parant) ; François Rolin (Au Meix, En Chenevery, En Coignée) ; Nicolas et François Sigaud (Es Crais bas, Es Crais, Ez Boutieres, En Gruanchy, En la Godelle, en clos Solon, Ez Cornées, Es Crais Guinchard, En l'Esmillande, En Chézau, en Combotte, Le clos de la Michelotte, En Coignée, Es Crais Gillion, Es Petits Cheneveris).


 

 


 

 

 

14. Plan schématique du village de Morey

XVIIIe siècle

21 F 32


Les parcelles sont grossièrement esquissées (et toutes représentées de manière géométrique), les bâtiments simplement mentionnés. Mais ce type de plan a le mérite de situer les uns par rapport aux autres les habitants de Morey. Caves, jardins, pressoirs, fours, écuries, maisons (avec le nombre de chambres basses et hautes), celliers, cours, cabinets, granges, écurie dressent le portrait d'un petit bourg rural. Au nom des propriétaires du moment (et parfois de leurs prédécesseurs) est parfois adjointe leur raison sociale et redevances (cens, rentes) dont sont grevées leurs propriétés.

La rue Basse, qui porte toujours ce nom, permet de comprendre le plan : la « grande rue de Morey » est l'actuelle rue de l'église, et « l'ancien grand chemin de Dijon » est l'actuelle route des grands crus. L'actuelle rue de Chirotte est alors simplement appelée « rue de desserte ». Le haut de la page regarde non le nord, mais le sud-est. La « vigne des Sorbey », en haut de la page, correspond aux actuels premiers « Les Sorbets » et « Clos Sorbé »

Ce plan fait partie d'un ensemble d'archives privées sur Morey et Chambolle donné par le comte Emmanuel de Blic (Échalot), le 3 novembre 1953.


 

 


 

 

 

 

15. et 16. Morey, sur l'Atlas des routes royales

Après 1759

C 3883/2, feuilles 69 et 70


À partir de 1759, les États de Bourgogne font dresser un atlas des routes royales de la province. Les villages de la côte y figurent tous car ils sont au bord de la route n° 21 (aujourd'hui la D 974), au-delà de laquelle débordent les vignes, représentées par un pictogramme caractéristique. Le bâti, en rose, est d'une grande précision. Les taches d'aquarelle brune figurent les déclivités.

 

 


 

 

 

17. Les habitants et leurs « caractéristiques socio-économiques »

1787

C 7091


On conserve une belle série des rôles de la taille et de la capitation de Morey jusqu'à la fin de l'Ancien Régime. En tête viennent les « privilégiés », qui ne paient pas la taille, mais d'autres impôts : le clergé séculier, les communautés régulières (chapitre de Nuits, abbayes de Cîteaux et de la Bussière, Bernardines de Tart désormais à Dijon), des bourgeois.

Parmi les 130 habitants « cotés d'office », on distingue les 22 « vignerons propriétaires » des 74 « vignerons d'autrui » ; on trouve aussi des « vignerons de maitre ». À noter la présence de 3 tonneliers (Bavard, qui est dit « tonnelier en cuves », ainsi que Jean et René Jouan). Plusieurs de ces patronymes sont des noms de domaines de Morey : Amiot, Janniard, Sigaut, Truchetet.

Le rôle se termine par la « classe des mendiants », qui sont exemptés tous les cinq évidemment.

La Révolution toute proche va supprimer les « privilégiés », mais sans doute pas les « mendiants »...


 

 


 

 

 

18. Les Côtes-Rôties de Morey

1817

26 F 17


Un acte notarié portant double échange de vignes permet de connaître deux séries d'équivalences. D'abord entre les mesures de surface anciennes et celles du système métrique : une ouvrée représente entre 428 et 429 m2 ; une perche, entre 9,5 et 9,6 m2. D'autre part, 428 m2 aux Traits Girard valent 795 m2 aux Côtes-Roties ; tandis que 286 m2 Aux Ruchots sont échangés avec la même surface Aux Mazoyères (Gevrey). Ainsi peut-on comprendre quelle valeur relative était alors donnée aux climats et au vin qui en provenait. Le climat Aux Traits Girard a presque deux fois plus de valeurs que les Côtes-Roties.

 

 


 

 

 

19. « Compte de mes vignerons de Morey »

1822

206 J 35


La famille Molin-Vierly, qui demeure près de Notre-Dame à Beaune, possède des vignes à Beaune, à Meloisey, à Gevrey et à Morey. Ces dernières sont cultivées par Claude et Étienne Lecrivain, Jean et Jean-Baptiste Jacotier et par Bernard Sigaut.

 

 


 

 

 

20. Statuts de l'Association fraternelle des

vignerons et propriétaires de Morey

28 février 1893

27 X e 441 b


Avant la loi de 1901, l'existence des associations était soumise à autorisation. Les vignerons de Morey n'avaient pas obtenu cette autorisation en 1888 ; en 1893, leurs statuts sont approuvés par le préfet.

Le but de l'association est « de s'assurer une aide mutuelle en cas de maladie ou d'accident, de procurer les soins du médecin aux membres participants », qui doivent avoir moins de 40 ans et habiter Morey depuis au moins deux ans. Ils « s'engagent à faire gratuitement le travail dans les vignes de celui ou de ceux d'entre eux qui en seront devenus incapables pour cause de maladie ou d'accident, mais seulement pendant la durée de l'incapacité ».

Les noms des membres comprennent parfois leur prénom, mais parfois un deuxième patronyme, sans doute le nom de leur épouse, ce qui permet de distinguer entre eux les Truchetet, les Amiot, les Jouan, les Parisot.


 

 


Première page Page précédente Page 1 / 1 Page suivante Dernière page